Saturday, October 22, 2011

Persepolis

Persepolis (Marjane Satrapi & Vincent Paronnaud, 2007, France/USA)



L'histoire de Marjane Satrapi, une femme qui a grandi pendant la révolution iranienne, et l'impact de cette révolution sur sa vie et celle de ses proches.

Je ne comptais pas le faire dans ce blog mais vu les événements qui ont eu place suite à la projection de ce film sur la chaîne de télévision tunisienne privée Nessma TV, je me trouve obligé de parler, pour une fois, un peu en dehors de l'oeuvre.

Tout d'abord les faits : Nessma TV propose le film Persepolis doublé en dialecte tunisien, quelques semaines avant le déroulement des élections de l'Assemblée Constituante tant attendues par les tunisiens depuis plusieurs mois. Les réactions commencent déjà, venant sans surprise du côté des adhérents du parti Ennahdha. Ils accusent la chaîne d'enfreindre les lois liées à ces élections et qui stipulent qu'il est interdit aux médias de faire la promotion (ou le contraire) d'un parti en particulier. Le film fait de l'écho avant même sa projection. Les partisans d'Ennahdha et autres extrêmistes en herbe ont une idée sur le contenu, mais sans plus. Ca ne leur plait pas. La chaîne ne leur plait pas déjà depuis longtemps puisqu'elle présente des choses "contraires à nos moeurs".
Bref, le film passe et les premières réactions commencent. Le parti Ennahdha rédige une lettre condamnant la chaîne pour avoir présenté le film dans le seul but de nuire au parti. Ca en dit déjà beaucoup sur les points de ressemblance entre ce qui s'est passé en Iran et ce que compte faire ce parti en Tunisie. Mais le plus sérieux reste à venir...

Il y a, dans le film, 3 scènes où le personnage principal s'imagine en train de parler avec Dieu. Or, en Islam, il est formellement interdit de représenter Dieu ou son prophète. Et il n'en a pas fallu plus pour lancer d'énormes vagues de lynchage virtuel qui se sont vite transformées en manifestations réelles où des bandes de barbus analphabètes (j'y reviens sur ce détail) conduisent des masses d'abrutis en chaleur qui veulent carrément détruire le local de Nessma TV. Les manifestations se poursuivent dans plusieurs villes jusqu'à finir par attaquer la maison du propriétaire de la chaîne. À ses dires, ils ont brûlé deux de ses voitures, cassé plusieurs fenêtres, allumé le feu, blessé des gardiens... bref, il ne manquait plus que la crucifixion pour couronner le tout.

Et tout ça pourquoi ? "Parce que Nessma TV a osé représenter Dieu" ! Il y a tellement de choses insensées dans cette réplique que je trouve difficile par où commencer. Je vais essayer tout de même.
1-Tout d'abord Nessma TV n'a pas représenté Dieu. Ils ne sont ni les producteurs ni les réalisateurs du film pour le faire. Ils se sont contentés de le faire passer en dialecte tunisien.
2-Il existe une merveilleuse invention qui a pu résoudre bon nombre de problèmes depuis son existence. Cette invention s'appelle la télécommande. Elle est très utile si l'on croit Wikipedia :
"La télécommande est un dispositif, généralement de taille réduite, servant à en manipuler un autre à distance, par câble, infrarouge ou ondes radio. Les télécommandes servent à interagir avec des jouets, des appareils audiovisuels comme une télévision ou une chaîne Hi-fi, un moteur de porte de garage ou de portail, un éclairage, l'ouverture des portières d'une voiture, des appareils de topographie, des engins de levage ou de travaux public, etc."
Ce qui nous intéresse ici est la télévision, bien entendu. Cette invention merveilleuse sert, entre autres, à carrément changer de chaîne sans avoir à se déplacer jusqu'à la télévision pour le faire ! En d'autres mots, si vous n'aimez pas ce qui se passe à la télé, vous appuyez tout simplement sur un bouton pour le faire disparaître. C'est presque magique ! Sauf que chez certains tunisiens, "télévision" veut dire "toute la famille s'asseoit pour regarder coûte que coûte toutes les stupidités qui passent".
3-Dernier point, que j'estime le plus important, les musulmans s'en foutent pas mal des autres "dieux", c'est à dire dans le sens où, qu'ils soient représentés ou pas, ça n'a aucune importance. Et dans le film qu'est ce qu'on voit ? Une gamine qui s'imagine en train de parler avec Dieu. Est-ce que c'est écrit quelque part que c'est "Allah" ? Est-ce que l'imaginaire d'une fille dans un dessin animé prétend être LA vérité absolue pour tout le monde ? Et si elle parlait seulement à son dieu à elle ? Déjà que dans le film, je ne me rappelle d'aucune référence à la croyance personnelle de la fille. En fait ces scènes montrant Dieu servent à montrer sa non-croyance plutôt que le contraire. Mais au final ça reste son imagination. Et tout le monde, étant petit, s'est déjà imaginé en train de parler avec Dieu ou tout simplement de le voir veiller sur lui. Est-ce interdit aussi ?

Je reviens sur le détail de tout à l'heure. Ce même film a déjà été projeté aux cinémas tunisiens. C'était aux Journées Cinématographiques de Carthage si je ne me trompe pas. Pourquoi est-ce qu'il n'y a rien eu de tout ce chaos dans le temps ?
-Soit parce que les barbus en chaleurs sont analphabètes, qu'ils ne comprennent pas le français et qu'ils n'ont donc pas pu comprendre le film lors de sa projection.
-Soit parce que les barbus en chaleur étaient tout simplement cachés parce qu'ils avaient peur de sortir au grand jour lors du règne de Ben Ali.
-Soit parce que les barbus en chaleur ne vont vers les salles de cinéma que pour les casser (rappelez-vous ce qui s'est passé à la salle CinémAfricArt).

Mais l'hypocrisie ne s'arrête pas là. Je connais personnellement des personnes qui adorent d'autres films qui devraient être blasphématoires, selon cette même logique, et qui condamnent fermement "ce qu'a fait Nessma TV". Des films comme The Matrix Reloaded où on voit quelqu'un vêtu de blanc et qui dit "I created the Matrix", autrement dit "j'ai créé le monde" ; comme Monty Python and The Holy Grail où Dieu parle directement aux personnages principaux afin de leur donner une mission ; comme The Devil's Advocate où Al Pacino nous sert un beau discours sur Dieu ; comme Bruce Almighty où le personnage principal s'approprie le rôle de Dieu pendant quelque temps ; des séries comme Dragon Ball Z où on voit un personnage jouant le rôle de Dieu sur terre, et j'en passe, les exemples étant nombreux... Ces films ont toujours passé sans aucun problème en Tunisie. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui ça devient différent ? Pourquoi condamner quelque chose lorsque ça ne nous arrange pas, et l'encourager lorsque ça nous plait ?
Si quelqu'un peut m'éclairer...

En attendant, pour revenir un peu au film en question, je le dis tout de suite, tout le monde doit le voir. Chaque tunisien qui possède un petit bout de cervelle est dans l'obligation de le voir, et surtout maintenant avant ces élections. Les ressemblances sont frappantes entre ce qui s'est passé en Iran en 1979 et ce qui se passe actuellement en Tunisie.

N'étant pas un grand fan des animations, j'aurais préféré voir un film réel avec de vrais acteurs et tout, mais je suppose que ça aurait été trop difficile à faire. Les animations n'ont rien d'extraordinaires, d'autant que c'est en noir et blanc pour quasiment tout le film, mais l'important n'est pas dans les prouesses techniques en fin de compte. Le message est clair : la dictature religieuse est infiniment cruelle. Les religieux au pouvoir donnent l'impression aux brebis qui les suivent qu'ils ont le droit divin de règner comme bon leur semble sur leur territoire. Les petits plaisirs de tous les jours comme la musique, l'alcool, les rencontres entre amoureux deviennent des interdits. Toute forme d'opposition politique n'existe plus. Les gens tentent de mener leurs vies tranquillement malgré tout ça. Parfois ils oublient même le fait qu'ils ne sont pas libres. Ils cherchent à trouver le peu de bonheur dont ils sont capables puisque la liberté est désormais un concept qui semble très lointain : organiser des petites fêtes arrosées chez certains amis, parier sur le fait qu'un fille puisse ou non enlever son voile en public...

Des choses banales qui rendent la vie insupportable ou dangereuse pour plein de personnes, dont Marjane qui est obligée d'aller s'installer en Europe. Au début elle arrive à s'y adapter, mais elle finit par se sentir égarée. De retour en Iran, elle se sent encore plus perdue, notamment avec les changements (toujours vers le pire) que connait le pays. Elle ne veut pas quitter l'Iran et ne peut plus vraiment continuer à y vivre non plus, vu sa nature. Situation assez délicate qui pourra lui causer des ennuis...

Pour finir, l'idée de passer le film en dialecte tunisien était mauvaise. D'une part parce que sans les nombreuses insultes de la version originale, on se croirait en train de regarder un dessin animé pour enfants, et d'autre part, ça nous aurait évité la plus grosse vague d'idiotie que le pays a connu...

9/10

Sunday, October 9, 2011

Naked

Naked (Mike Leigh, 1993, UK)



Après une partie de jambes en l'air qui tourne pratiquement au viol, Johnny s'enfuit vers Londres. Il passe quelque temps chez une ex-petite amie avant de commencer à errer dans les rues, sans argent, sans but précis...

La vie de Johnny résume parfaitement bien celle de la plupart des hommes en général. Le fait d'errer continuellement sans but n'est-il pas le destin ultime qu'est obligé de vivre chaque être humain ? D'ailleurs le verbe "vivre" est peut-être exagéré. Est-ce qu'il suffit de trouver un travail minable, de gagner de l'argent qui suffit à peine à payer le loyer et à manger, et de rentrer chez soi le soir pour regarder des programmes de merde à la télé, pour pouvoir oser dire qu'on est en train de "vivre" ? Et même si c'était le cas, peut-on être heureux en menant une vie pareille ? C'est en tout cas à ça que fait allusion Johnny en voyant sa vieille amie ; pas seulement elle, mais à pas mal des nombreux personnages qu'il rencontre au cours de son errance.

C'est l'un des points forts de Johnny. Il a le contact facile. Il a la faculté d'entamer des discussions existentielles avec de parfaits étrangers sans aucune difficulté, tout en gardant un côté franc et direct qui n'est pas apprécié de tout le monde. Ce qui nous donne des dialogues à la fois hilarants, grâce aux nombreux sarcasmes de Johnny, et intéressants, vu les sujets abordés.

Notre personnage principal est quelqu'un de brillant. Cultivé, intelligent et vif d'esprit, on peine à croire qu'il mène une vie pareille. C'est presque du gachis que de voir autant de potentiel éparpillé en vain. D'ailleurs ça m'a un peu fait penser au protagoniste de la nouvelle "Les Mémoires de Issam Abd El Aati" de Alaa Al Aswany : le jeune homme extrêmement intelligent, qui ne laisse aucune occasion pour apprendre s'envoler, qui a du caractère, mais qui finalement n'est pas donné la chance qu'il mérite...

Mon seul reproche c'est qu'on ne nous informe pas vraiment sur le passé de Johnny. J'aurais tellement aimé voir comment une personne pareille aurait menée sa vie par le passé. Comment est-ce qu'il en est arrivé là ? Qu'est-ce qui en a fait cette personne-là ?
Mais ceci n'est rien face à la splendeur de cette oeuvre...

9/10

Thursday, October 6, 2011

Angels of the Universe

Angels of the Universe (Friðrik Þór Friðriksson, 2000, Islande/Norvège/Suède)



Páll, amoureux de l'art sous toutes ses formes, est issu d'une famille assez modeste. Il tombe profondément amoureux de Dagný qui vient d'une famille riche. Leur relation est brutalement interrompue à cause de cette différence sociale, ce qui conduit Páll vers la folie...

Une histoire d'amour qui finit mal. Un couple heureux brisé par les obstacles de la vie réelle. Les méchants parents bourgeois qui refusent une relation qui pourrait donner une mauvaise impression sur leur fille. Et par la suite, qui sait, nos deux amoureux vont probablement trouver une solution à ce problème et vivre heureux en ayant plein d'enfants et tout. Ca se passe toujours ainsi ! Qu'est ce que ça peut être ennuyeux...

Mais heureusement, ce n'est pas du tout le cas ici. L'histoire d'amour n'est là que pour déclencher le tout. Et d'ailleurs le film ne s'y attarde pas trop. Le temps passe très rapidement sans qu'on ne s'en rende compte. On peine à croire que Páll est aussi amoureux qu'il le prétend de la fille en question, et on peut même être surpris de le voir réagir avec tant de violence avec sa famille après la rupture ; et c'est tant mieux. On n'a pas besoin d'un n-ième film mélodramatique où on passe 90 minutes à attendre de voir comment le couple va se remettre ensemble.

L'important ici c'est la phase "folie". Páll est mis dans un hôpital psychiatrique où il va vite se faire des amis comme Óli qui compose des titres pour The Bealtes qu'il envoie par télépathie, ou encore Viktor qui se prend pour Adolf Hitler.
Les dialogues prennent une autre dimension. Bien qu'on ait affaire à des "fous", c'est à se demander qui sont les vrais fous ici.

Les dialogues sont à la fois drôles, amusants et intéressants. Dans une conversation entre le Docteur qui s'occupe de l'hôpital et Páll, ce dernier lui dit que, s'il continue à parler ainsi, ils devraient bientôt changer de places.
Une autre réplique qui mérite l'attention est là où l'un des amis de Páll lui dit que'on veut que les hôpitaux psychiatriques ressemblent le plus possible à des maisons normales. Pourquoi ? Parce que les maisons normales ressemblent de plus en plus à des maisons de fous !
On se pose des questions... Qui est réellement fou dans ce monde et qui est sain d'esprit ? À partir de quel moment peut-on considérer quelqu'un comme étant un fou ? Et d'ailleurs, qu'est ce qu'être "fou" ? Ne sommes-nous pas tous fous à des degrés différents ?

En examinant de plus près le cas de Páll, on comprend que c'est vraisemblablement sa première expérience avec "la vie réelle". Avant la rupture avec Dagný, il menait une vie tranquille au milieu des choses qu'il aime : la poésie, la peinture, la musique, la famille... Il était toujours de bonne humeur, prêt à raconter des blagues n'importe quand. Et même dans l'amour il était très impliqué. Il se dévoue totalement à ses passions, et c'est ce dévouement qui va causer sa perte. Son cerveau n'arrive pas à assimiler le fait que le monde dans lequel il vit et "le monde" à proprement parler ne font pas un. Le choc est brutal. Sa place est ailleurs. Et après plusieurs sorties de l'hôpital, il finit par comprendre qu'il n'y a qu'une seule issue possible...

Angels of the Universe est une oeuvre triste, amusante et pleine de beauté. La bande originale, composée par Hilmar Örn Hilmarsson et Sigur Rós, qui donnent vraiment le meilleur d'eux-mêmes ici, est d'une splendeur inégalée. Le film est beaucoup plus vivant, plus touchant grâce à cette musique fabuleuse...

9/10

Wednesday, August 31, 2011

The Trial

The Trial (Le Procès) (Orson Welles, 1962, France/Allemagne/Italie)



Un responsable dans une banque est visité par des hommes qui lui annoncent son arrestation. Son procès commence, mais on ne l'informe pas de quoi il est coupable...

Comment une chose aussi absurde pourrait-elle avoir lieu ? Et pourquoi est-ce que Josef K. ainsi que tout son entourage acceptent ces faits comme si c'était quelque chose de d'habituel ? Qui sont ces gens qui font irruption chez lui pour s'enquérir sur chaque petit détail insignifiant de sa vie ? Quelle sorte de tribunal qui détient vraisemblablement un pouvoir immense, peut-il être aussi mal organisé, aussi corrompu ?

Des questions auxquelles on n'a pas de réponses, ou du moins pas de réponses directes. Ni dans le film, ni dans le livre. Il y a une sorte de mystère qui règne tout au long de l'histoire. Autant les personnages que K. rencontre lui donnent des informations précises sur la méthode de travail du tribunal, autant il se sent totalement perdu. Malgré tous ses efforts, et malgré tout ce qu'on raconte à propos des juges et de la possibilité de les influencer, K. ne trouve pas vraiment d'issue à son procès. Il se débat, il cherche de l'aide, il accepte et refuse ce que lui proposent les autres, il est à la fois arrogant et suspicieux, il ne sait pas comment il doit se comporter, il rencontre des gens bizarres là où il va, tout le monde a l'air d'être au courant de son procès, il est mal à l'aise, mais finalement tout ça ne sert à rien... Le procès de K. est le procès de tout homme condamné à mourir depuis sa naissance. Aucun moyen d'y échapper.

Cette adaptation est excellente. Elle n'est pas fidèle sur tous les points par rapport au récit de Kafka, Welles a même changé des choses, mais il a très bien pu capturer l'atmosphère cauchemardesque originale. Il en a en quelque sorte fait une oeuvre personnelle tout en restant fidèle à l'esprit de base. Le contraste entre certains endroits où des sensations de claustrophobie essaient de se faufiler chez le spectateur, et d'autres où c'est soit la désolation totale qui règne, soit des pièces exagérément spacieuses où on se sent facilement perdu, est merveilleusement bien transmis sur l'écran ; c'est même plus efficace à voir qu'à lire. Le résultat en tout est simplement phénoménal !

9/10

Tuesday, August 9, 2011

L'Étranger

L'Étranger (Luchino Visconti, 1967, Italie/France/Algérie)



Meursault reçoit un télégramme l'informant du décès de sa mère. Il se dirige vers l'asile de vieillards où elle résidait. Il ne ressent aucun chagrin en assistant aux funérailles. Quelque temps après il est accusé du meurtre d'un arabe où les deux histoires sont liées au procès...

Ceci est, à ma connaissance, la seule adaptation directe du fameux roman du même nom d'Albert Camus. Il fallait donc la voir. La règle générale dit qu'une adaptation peut rarement dépasser l'oeuvre originale. Le résultat peut même être une véritable catastrophe. Est-ce le cas ici ?

À la vue de la toute première scène j'allais directement m'arrêter. Ca ne commence pas par l'entrée provocante très connue du livre : "Aujourd'hui, maman est morte." On a droit à un petit extrait de ce qui arrive à la deuxième partie avant de revenir au tout début du livre. Je me suis dit que ça va certainement aller mieux par la suite.

Mon impression n'a pas trop changé à vrai dire, du moins en ce qui concerne la première partie. En terme de fidélité, cette réalisation est des plus fidèles qu'on pourrait trouver en matière de films adaptés de livres. Mais en terme d'esprit, il n'en est pratiquement rien. Il n'y a pas d'âme. C'est assez creux. Les images s'enchaînent dans le seul but de rester attaché au livre. Certains moments sont tellement précipités qu'on a l'impression que le réalisateur a voulu à tout prix les mettre pour qu'on ne l'accuse pas d'être malhonnête dans sa retranscription.

Mais heureusement que ça change graduellement vers le mieux avec la deuxième partie. Quelques unes des scènes clé, comme celle de la plage et du procès, sont excellentes, seulement si l'on met de côté la bagarre ridicule. Et par la même occasion, si on essaie d'oublier le ratage total de l'annonce de la sentence...
Même s'il manque des passages importants de ce qui se trame dans la tête du narrateur, l'image sert en quelque sorte à combler ce manque.

Conclusion ? Le film n'est pas vraiment une catastrophe, on a déjà vu pire, d'autant que le respect de l'oeuvre originale est à saluer. Mais il n'arrive pas du tout à bien retransmettre l'esprit du livre. Cet esprit si particulier qui a grandement contribué à son succès. Le Meursault du film n'a pas trop l'air d'être un "étranger". Du coup, c'est le spectateur qui va se sentir étranger face à ce qu'il est en train de voir...

5/10

Friday, June 3, 2011

Une Vie de Chat

Une Vie de Chat (Jean-Loup Felicioli & Alain Gagnol, 2010, France/Pays-Bas/Belgique/Swisse)



Dino est un chat plus occupé que ses pairs. Le jour, il vie tranquillement chez Zoé, une petite fille dont le père a récemment été tué par un voleur d'objets précieux. La nuit, il va chez un autre voleur pour l'accompagner dans ses activités.

Faire des défis, c'est bien, mais lorsqu'on a à voir un film pareil, on commence à regretter !

Je suis conscient du fait que c'est un film d'animation à ne pas prendre au sérieux, qu'il est destiné aux petits plus qu'aux grands, mais ça m'a quand même grandement fait chier. Toutes sortes de clichés possibles et imaginables dans une histoire classique de "bon contre méchant, avec l'aide d'un innocent" sont là. Aucune originalité et ce n'est même pas bien foutu.

On fait la connaissance du "gentil" voleur en premier lieu. On ne sait rien sur lui. On le voit en train de voler chaque soir, mais on ne sait pas pourquoi il fait ça. Parce que, pour un voleur, il a l'air d'être quelqu'un d'extrêmement bienveillant, et il va souffrir injustement à cause de ça. Mais si on y voit de plus près, ce personnage n'est là que pour servir notre gamine et la sauver des griffes du méchant tueur qui a tué son père.

Ce tueur est à son tour entouré de clichés. Un homme cruel et intelligent entouré d'une bande d'abrutis qui ne servent à rien d'autre qu'à se faire ridiculiser de telle ou telle façon. Ils ne lui servent à rien du tout, ils ne sont là que pour faire rire un peu le spectateur, sans plus.

La gamine m'a emmerdé elle aussi. On ne l'explique toujours pas mais elle ne parle pas, ce qui va causer plein de problèmes avec sa mère. Des problèmes pourtant très simples à résoudre. Elle va se contenter de faire des gestes et de pointer du doigt telle ou telle chose, et puis c'est tout. C'est aux autres d'essayer de deviner ce qu'elle veut dire.

Quant à l'action principale, tout est prévisible et/ou mal foutu. Je ne vais pas m'attarder sur le côté "réaliste" dans un film d'animation mais certaines choses m'ont presque poussé à m'arracher les cheveux.

Et le chat dans tout ça ? Personnellement j'aurais choisi un autre titre à la place de celui-ci. Le rôle du chat est assez secondaire tout compte fait, malgré l'aide précieuse qu'il procure à certains moments.

Bon bref, j'étais peut-être un peu dûr vu la nature du film, et il y avait tout de même des passages marrants, mais j'avoue que ce n'est pas du tout ma tasse de thé. C'est peut-être mieux de voir ces choses en famille.

2/10

Wednesday, April 13, 2011

Persona

Persona (Ingmar Bergman, 1966, Suède)



Alma, infirmière, doit s'occuper d'Elisabet Vogler, actrice qui a décidé de ne plus parler avec personne. Petit à petit, Alma se confie à Elisabet, seulement pour découvrir qu'elle est en train de s'attacher à elle d'une manière qui la touche profondément...

De l'obscurité nait la lumière. Une série d'images projetées à partir d'un vieil outil de projection et sans relation l'une avec l'autre s'ensuit. Des extraits d'un dessin animé, un film silencieux, une image d'un pénis en érection, une araignée en train de bouger, un mouton qui se fait égorger, des clous qu'on enfonce dans les mains d'un crucifié...

Et voilà que le film commence. Ces images grotesques, bizarres, gaies... en guise d'introduction, à quoi peuvent-elles servir ? On se pose déjà des questions. On s'attend à une suite tout aussi bizarre, chose qu'on finira par avoir, mais pas comme on l'aurait imaginé.

On ne tarde pas à nous présenter Elisabet, actrice au théâtre connue qui, au milieu d'une scène, s'est arrêtée de parler. Personne ne comprend ce qui se passe avec elle. Elle a l'air d'être en parfaite santé mentale et physique. Alma, l'infirmière, est chargée de s'occuper d'elle, mais elle n'est pas vraiment motivée pour le faire. Etant encore jeune et inexpérimentée, elle ne se voit pas être à la hauteur d'une tâche pareille.

Elle finit par accepter. Le traitement commence dans l'hôpital et continue chez la directrice dans une maison isolée au bord de la mer. Elisabet et Alma sont désormais seules, ce qui les rapproche un peu plus l'une de l'autre. Elisabet reste silencieuse mais commence par réagir par le biais de son corps. Alma parle de plus en plus de sa vie. Elle va même jusqu'à parler en détail d'une aventure sexuelle avec trois autres personnes qui lui a fait vivre un moment d'une intensité extrême. Un bonheur qu'elle n'a jamais vécu auparavant.

Tout va bien jusqu'au moment où Alma découvre qu'Elisabet est en train de l'observer dans son comportement. C'est là que la jeune infirmière se rend compte de son état déplorable, ce qui la met en rage face à cette personne qu'elle commençait à adorer. C'est comme si, depuis le début, les rôles étaient inversés. Ce n'est pas Elisabet qui a besoin d'aide. D'ailleurs elle est suffisamment forte, et Alma l'admet, pour s'en sortir toute seule. Elle est suffisamment forte pour choisir le silence comme moyen de réclusion face au monde et à toutes les horreurs qui existent tout autour.

Le choix du personnage d'Elisabet en tant qu'actrice de théâtre n'est certainement pas un hasard. Ca m'a fait penser à la fameuse réplique de William Shakespeare : "All the world's a stage, and all the men and women merely players". Un peu plus tard dans le film, Alma fait allusion à quelque chose dans ce même sens. Elisabet est une actrice, pas seulement au théâtre, mais dans la vie aussi ; comme tout le monde d'ailleurs. Chacun de nous joue un rôle principal dans sa vie, avec des petits rôles secondaires tout au long de notre existence pour faire face à telle ou telle situation.

Les interprétations du film sont tellement nombreuses que je préfère ne plus trop m'étaler dessus. Chacun pourrait comprendre différemment chaque élément et il n'y a pas de réponse définitive à ce que tout ceci veut dire. Mais une chose est certaine, c'est un film à voir ne serait-ce que pour la scène du monologue où Alma parle de l'enfant d'Elisabet. Les paroles à elles seules sont percutantes, que dire alors de la façon particulière de le faire !

9.5/10

Tuesday, April 12, 2011

The Invention of Lying

The Invention of Lying (Ricky Gervais & Matthew Robinson, 2009, USA)



Dans un monde où les gens ne conçoivent pas ce que veut dire "mentir" et où toute personne exprime ses vrais sentiments sans contrainte, Mark Bellison ne se sent pas à l'aise. En venant de perdre son travail et ne possédant pas d'argent, il est obligé de mentir, pour la première fois de l'histoire...

Que serait le monde si personne ne disait rien d'autre que la vérité ? Mark Bellison va chez une fille pour l'inviter à sortir avec lui. En ouvrant la porte elle lui annonce "I was just masturbating", pour avoir comme réponse "That makes me think of your vagina".
C'est en quelque sorte à ça que ça ressemble. Personne ne cache rien à personne. Les problèmes les plus profonds de chacun sont facilement exposés à n'importe quel iconnu sans que ça ne soit mal vu. L'impolitesse n'existe pas. Les serveurs dans les restaurants n'hésitent pas à draguer les filles et à insulter leurs compagnons.
Tout ceci nous conduit, naturellement, vers plein de situations marrantes.

À partir du moment où Mark "invente" le mensonge, la vie devient très facile pour lui. Les gens lui semblent désormais extrêmement stupides. Il peut les manipuler à souhait très facilement, un peu comme ce qu'on voit dans Idiocracy, et en profite pour mieux se rapprocher de sa bien aimée. Peut-il gagner son coeur de cette façon ? Ou préfère-t-il rester fidèle aux traditions du monde dans lequel il vit ? C'est en quelque sorte à ce dilemme qu'il est confronté.

À vrai dire c'est ce côté-là du film qui l'a rendu assez lassant. Mais le véritable intérêt réside dans le fait de "inventer la religion". En voulant voir sa mère partir heureuse dans l'au-delà, il lui raconte des choses sur ce qui se passe après la vie. Tout le monde le croit et demande encore plus d'informations, ce qui le pousse à parler du "Man in the sky who controls everything". Il continue d'inventer des choses sur ce qui se passe après la mort et personne ne doute de ce qu'il dit. Il leur dit qu'il y a un endroit merveilleux réservé à ceux qui ont mené une vie saine sans causer de mal aux autres, et un autre horrible qu'on pourrait éviter si on ne fait pas "trois mauvaises choses dans la vie".
Toute la planète le croit sans réfléchir un seul instant sur la possibilité de l'existence d'un monde pareil. Les seules questions qu'ils se posent concernent certains détails de la vie courante.

Puis retour aux maux que vit Mark en étant séparé de la fille qu'il aime, et donc retour à une histoire romantique à dormir debout. Heureusement que ça ne dure pas pendant toute la durée du film.

6/10

Monday, April 11, 2011

71 Fragments of a Chronology of Chance

71 Fragments of a Chronology of Chance (Michael Haneke, 1994, Autriche/Allemagne)



Plusieurs personnages mènent leurs vies tranquillement à Vienne. Un garçon roumain en situation illégale, un vieil homme qui passe son temps à regarder la télé, un agent de sécurité dans une banque, un étudiant, un couple qui veut adopter une fille...

Les gens mènent leurs vies tranquillement. Ils se disputent, il vont au travail, il s'amusent, ils se font gronder... mais finalement tout ça ne sert à rien...

Encore une fois avec Haneke, il vaut mieux ne pas trop parler du film et tout découvrir par soi-même. Un peu comme dans The Seventh Continent, tout ce qui se passe n'est qu'une sorte de longue introduction à ce qui va avoir lieu pendant les dernières minutes. Le seul problème c'est que c'est un peu moins efficace ici, mais le résultat est tout aussi percutant.

8/10

Saturday, April 9, 2011

The War Zone

The War Zone (Tim Roth, 1999, UK/Italie)



Après avoir déménagé de Londres, un jeune garçon découvre un horrible secret sur sa famille. La solitude, l'absence d'amis et de vie même ne l'aident pas à supporter ce secret...

C'est grâce à Reservoir Dogs que Tim Roth s'est forgé la notoriété que nous lui connaissons. Cependant, loin de l'univers du crime et des gangsters, il se place cette fois-ci derrière la caméra pour nous délivrer une oeuvre assez perturbante. Avec un réalisme poignant et des acteurs prodigieux, l'histoire coule avec une fluidité étonnante pour jeter l'ancre au plus profond de l'âme du spectateur.

Quelques notes de piano çà et là, du silence, des dialogues plus ou moins rares mais expressifs ; la solitude que vit Tom se ressent d'un manière forte. Changer de lieu de vie n'est pas un événement réjouissant. Il s'isole du monde extérieur et se replie sur lui-même. Sa soeur est souvent là pour l'aider, mais le secret qu'il ne va pas tarder à dénoncer va compliquer leur relation.

Un mélange de frustration, de jalousie et de dégoût s'installe. Tom essaie de lutter contre toutes ces pensées, mais une haine profonde ne cesse de se développer chez lui. Pourtant sa famille n'a pas l'air d'être malheureuse. Certes, leur vie ne déborde pas de bonheur mais on sent bien qu'il y a beaucoup d'affection. Du moins c'est ce qui se passe à la surface, car en creusant un peu plus, il comprend que sa perception de la vie est fausse. Sa soeur le lui dit à un moment : "You just want everything to be nice and sweet, but it isn't". À partir de là, tout commence à s'effondrer petit à petit...

Avec cette unique réalisation dans sa filmographie, on se dit dommage que Tim Roth n'ait pas continué à nous en fournir d'autres. C'est un film dérangeant qui m'a beaucoup troublé...

9.5/10

Three... Extremes

Three... Extremes (Fruit Chan/Park Chan-Wook/Takashi Miike, 2004, Hong Kong/Corée du Sud/Japon)



Trois films d'horreur asiatiques. Chacun vient d'un pays. Chaque segment est d'un style et d'une culture différents. Mais cette fois c'est encore plus extrême que la première.

Dumplings (Fruit Chan) :

Aunt Mei est réputée pour sa recette culinaire presque magique qui a pour effet de rajeunir celui qui en mange. Une actrice vient la voir pour en profiter et ainsi regagner son mari infidèle.

Cette version a plus tard été reprise en un long métrage du même nom. L'histoire est exactement la même. Les scènes sont les mêmes... bref, tout est pareil sauf que, durée oblige, cette version courte va directement droit au but. Il n'y a pas d'allusions ou de caricatures sur l'aspect social des Hommes.

La seule vraie différence concerne la fin, que je trouve personnellement mieux dans la version longue, mais plus... proche de la réalité dans cette version-là.

Cut (Park Chan-Wook) :
Un réalisateur réputé est enlevé avec sa femme par un inconnu. Les raisons de ce kidnapping, pas du tout claires au début, paraissent de plus en plus absurdes.

Du point de vue violence visuelle, ceci est le plus "extreme". Il y a du sang, des doigts coupés, des morsures... et avec tout ça une bonne dose d'humour noir. Les motivations qui ont poussé le kidnappeur à faire ce qu'il a fait sont inconcevables.

Généralement ce sont les "mauvaises personnes" qui sont plus exposées à subir ces choses, pour des raisons évidentes. Mais là le kidnappeur pense autrement. En gros, il pose la question au réalisateur : "Pourquoi es-tu aussi bon ?". Ayant un passé misérable, c'est comme si cet homme à succès en était le cause. Il lui en veut d'avoir été "bon" envers lui.

Mon préféré des trois, pas seulement à cause de la violence mais également de l'absurdité de la situation, des dialogues et des actions du kidnappeur.

Box (Takashi Miike) :
Une fille qui ne parle pas trop a souvent un rêve étrange qui s'arrête toujours au même moment. Ce rêve semble être assez proche de la réalité.

L'histoire n'est pas solide et sa représentation n'est pas vraiment efficace. La fin est plutôt faible et n'a rien de satisfaisant.
Il y a toutefois quelques moments forts et une atmosphère sombre qui pèse bien lourd.

Je m'attendais à mieux de la part de Miike. L'explication de tous ces évènements est supposée nous choquer, quelque part, mais sans réellement réussir.

8/10

Thursday, April 7, 2011

The Social Network

The Social Network (David Fincher, 2010, USA)



Ce film retrace les débuts de la création du fameux réseau social facebook.

David Fincher qui réalise un film basé sur facebook, est-ce vraiment une bonne idée ? Certes, ce site fait désormais partie intégrante de la vie de plusieurs millions de personnes à travers le monde. Mais de là à en faire une expérience audio-visuelle, ça pourrait être terriblement exagéré.

C'est seulement à cause de David Fincher que je me suis décidé à voir ce que cela pourrait donner. L'homme derrière Se7en ne m'a jusque là jamais déçu. Sa filmographie est certainement inconsistante, mais pas mauvaise. Donc pourquoi pas voir de quoi est-ce qu'il s'agit.

Mark Zuckerberg est présenté comme on se doit de représenter un nerd : intelligent, bizarre, très peu ou pas d'amis, pas de succès avec les filles... Il manque juste les lunettes et les boutons pour avoir le portrait parfait, mais heureusement qu'on n'a pas droit à ces clichés. L'humour est toutefois présent grâce à l'attitude très "nerdique" qu'il entretient tout au long du film. Une bonne chose qui nous permet de ne pas nous ennuyer en assistant à la naissance du "next big thing" comme le dirait Sean Parker, fondateur de Napster, interprété par... Justin Timberlake.

La première partie est captivante. À la fois marrante et attachante, on s'intéresse vraiment à voir comment ce phénomène mondial a pu voir le jour. Mais petit à petit cet attachement va s'éparpiller avec les attaques en justice auxquelles on assiste. Personnellement ça ne m'intéresse pas de connaître le degré d'amitié qui existait entre Mark Zuckerberg et Eduardo Saverin, le co-fondateur du site. Ca ne m'intéresse pas vraiment non plus de savoir qui a trahit qui et dans quel but.
De plus, à la fin on sort avec l'impression que le fondateur de facebook est quelqu'un de gentil, d'innocent, qui ne mérite pas tout ce qu'on lui reproche... C'est peut-être le cas. Après tout je ne le connais pas pour affirmer le contraire, mais c'est tout de même irritant d'y assister.

Finalement pour un film basé sur une telle idée ça dépasse mes attentes. Rien de spectaculaire mais ça fait plaisir quelque part d'avoir une idée sur comment tout ceci a commencé.

7/10

Monday, April 4, 2011

I Saw the Devil

I Saw the Devil (Kim Ji-Woon, 2010, Corée du Sud)



La fiancée d'un agent secret est kidnappée par un tueur en série qui n'éprouve aucun respect pour la vie humaine. Dans le but de se venger, l'agent en question se transforme en un monstre à son tour...

Les histoires de vengeance sont devenues tellement banales que ça devient difficile de tomber sur quelque chose d'original. Reste alors l'exécution et essayer de faire en sorte que ça soit captivant. Ce qui est exactement le cas ici.

L'agent, Kim, est éffondré par la perte de sa fiancée. Il promet de se venger en punissant le tueur de la pire façon qui soit. Il commence aussitôt sa mission et ne tarde pas à le trouver, et c'est un véritable jeu qui commence. On se demanderait, vu la durée du film qui dépasse les deux heures, comment tout ça va se dérouler. On comprend très vite qu'il ne s'agit pas d'un film de détective qui cherche un criminel, ni d'une vengeance du genre "Je t'attrape, je te fais passer un sale quart d'heure, puis je te tue".

Kim a d'autres idées en tête, et le tueur, intérprêté de façon brillante par Choi Min-Sik qu'on reconnait surtout dans Oldboy, comprend le message d'une autre manière. Confus au début, il commence à prendre plaisir à ce qu'il perçoit comme étant un jeu. Vu que ce genre de jeux morbides constitue son mode de vie, en quelque sorte, il se trouve totalement à l'aise ; contrairement à Kim qui est encore en phase de transformation.

Les limites entre le bien et le mal se brisent petit à petit. Aveuglé par sa vengeance, Kim est inconscient de la destruction que sa quête sème derrière lui. Les appels à la raison ne sont pas suffisants pour le persuader de tout laisser tomber. Ou peut-être qu'il décide de ne plus donner d'importance à tout ça. L'important c'est de se venger, peu importe le coût...

La violence présente tout au long du film est extrême. Certains diront qu'elle n'est pas nécessaire mais non, il ne faut pas s'attendre à voir des papillons et des fleurs dans un clash entre deux monstres. La violence poussée à l'extrême est l'un des éléments principaux. Même si ça choque par moments, même si on pourrait être obligé de détourner le regard de l'écran à cause des atrocités qui s'y passent, c'est en quelque sorte ça le but : mettre le spectateur mal à l'aise. Après tout, c'est en partie un film d'horreur qui n'est pas supposé transmettre des émotions positives à celui qui le regarde. Et il faut le dire, c'est totalement réussi !

9.5/10

Thursday, March 31, 2011

The Pit and the Pendulum

The Pit and the Pendulum (Gabriele Agresta, 2007, Italie)



Un homme est enfermé dans un endroit où aucune once de lumière n'existe. En explorant l'endroit il découvre un puit où il était supposé tomber. Il s'évanouit à plusieurs reprises, à chaque fois découvrant une nouvelle forme de torture...

Adaptation du fameux récit d'Edgar Allan Poe. C'est probablement la chose que j'ai lue qui m'a le plus affectée de toute ma vie. Les sensations que les paroles du narrateur inconnu véhiculent sont puissantes. On sent vraiment cette obscurité suffocante nous étouffer. Cette sensation de puanteur humide nous envahir. Ce sentiment d'impuissance totale nous entourer. Le désespoir dans sa forme la plus absolue qui règne. En bref, l'horreur dans sa forme la plus pure !

Cette adaptation retransmet assez bien ces élements, mais n'atteint malheureusement pas l'écrit de Poe. Le narrateur aurait pu mieux se débrouiller, et certaines sensations ne sont pas ressenties comme il se doit. Le résultat est tout de même à saluer, c'est quelque chose d'extrêmement difficile de faire de cet écrit une expérience visuelle réussie.

8/10

Kick-Ass

Kick-Ass (Matthew Vaughn, 2010, USA/UK)



Dave, jeune lycéen très normal et que personne ne remarque, décide de devenir un super-héro. Ne possédant aucun pouvoir spécial ni quoique ce soit du genre, il trouve la tâche plus difficile qu'il ne le pensait.

En voyant le nom de Nicolas Cage défiler à l'écran je m'attendais au pire. Déjà que les films de super-héros ne sont pas trop ma tasse de thé, alors que dire d'y trouver cet acteur où c'est rare de le voir jouer un bon rôle.
Heureusement que son rôle était assez secondaire. En gros, il joue un super-héro père d'une fillette qu'il entraîne très dûr pour devenir comme lui. Et c'est là que je me suis posé la question "et si le film se concentrait plutôt sur ces deux personnages ? Ou sur celui de Hit Girl en particulier ?".

Parce que pour le reste il n'y a pas vraiment quelque chose d'accrochant. Nous voilà en train d'assiter aux problèmes de popularité d'un adolescent américain dans son lycée. Les filles ne le connaissent pas. Ses amis se comptent sur les doigts d'une main... et qu'est ce qu'il trouve comme solution, ou plutôt comme ambition ? Devenir un super-héro !

C'est plutôt marrant comme concept, et d'ailleurs l'humour est très présent. Pas de très bonne qualité mais il est là et on ne s'en ennuie pas. Mais c'est tout. Il y a de l'action, un méchant à qui on doit botter le cul, des sympathisants, des ennemis... mais rien de spécial pour se démarquer du reste.
Enfin... si : la violence. D'habitude ces films sont destinés à un public plutôt jeune. Il y a toujours des limites au niveau du sexe et de la violence. Des limites auto-imposés qui n'ont aucun autre but que d'avoir une certification plus "acceptable", mais ce n'est pas vraiment le cas ici. Il y a du sang, des membres qui se cassent, de la torture... et on ne peut qu'apprécier tout ça !

Pour quelqu'un comme moi qui n'aime pas du tout cette culture de super-héros qui ne font rien d'autre que "fournir" les criminels à la police, je suis assez satisfait de Kick-Ass.

7/10

Monday, March 28, 2011

Battle Royale

Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2000, Japon)



Dans un futur où les jeunes japonais ne respectent plus les vieux, le gouvernement a décidé d'appliquer une nouvelle loi : Battle Royale. Chaque année, une classe choisie au hasard verra ses membres s'entretuer pendant trois jours sur une île déserte. Il ne doit y avoir qu'un seul survivant à la fin.

Un concept intéressant, simple mais efficace. Que ferait un gouvernement face à une jeunesse qui ne respecte plus personne ? Face à un taux de chômage de plus en plus élevé à cause de la dégradation du niveau des études et des élèves ?
La réponse, dans le film, est comme suit : vous voulez de la violence ? Vous allez en avoir !

Et voilà donc qu'une classe est choisie chaque année, au hasard, pour mener ce jeu nommé "Battle Royale". En croyant aller dans un voyage de fin d'année pour s'amuser, les élèves se trouvent dans une île avec plein de militaires autour. La transition est brutale et personne ne s'y attendait. Peu de temps après un prof fait son apparition. Son attitude choque les élèves qui ont eu l'habitude de ne pas le respecter. Il va même jusqu'à tuer l'une des ces élèves juste parce qu'elle parlait à son amie.

L'introduction au jeu commence avec une vidéo qui se veut marrante, en contradiction totale avec ce qui se passe en vrai. Les élèves horrifiés par ce qui se passe tout autour doivent suivre les consignes d'une fille qui leur dit en gros "Amusez-vous en vous entretuant !".

On assiste à un véritable carnage juste après. On verra plein de sang tout au long du film. Les personnalités différentes des participants vont mener certains à leur perte, alors que d'autres vont pouvoir en profiter pour survivre... quelques heures supplémentaires.

C'est toujours un plaisir de revoir Battle Royale. Une bonne dose d'action, du sang qui gicle à n'importe quel moment, et une intrigue intéressante qui nous montre à quel point les choses peuvent mal tourner lorsque deux extrêmes se touchent.
Il y a des moments pseudo-émotionnels très clichés et totalement inutiles, certains acteurs qui ne savent rien faire du tout mais bon, rien de bien grave pour en faire une mauvaise expérience.

8.5/10

Sunday, March 27, 2011

The Seventh Continent

The Seventh Continent (Michael Haneke, 1989, Autriche)



Une famille composée d'un père, d'une mère et d'une petite fille mène sa vie tranquillement.

C'est impossible de faire un synopsis du film sans en dévoiler tout l'intérêt. De même, il m'est impossible de parler de tout. Je me contente du peu que je peux.

On peut dire qu'il y a deux parties ici. Dans la première on assite à la vie quotidienne de cette petite famille. On ne voit pas leurs visages pendant une bonne vingtaine de minutes. On n'assite qu'à leurs actions. Des habitudes qui se répètent chaque jour de la même façon exacte. Jour après jour, année après année, c'est la même chose qui se répète. Ils se réveillent à six heures du matin, ils prennent le petit déjeuner, ils vont au boulot, ils parquent la voiture aux mêmes endroits, ils rentrent chez eux, ils dînent, ils dorment. Et ça se répète sans cesse. Financièrement ils n'ont pas de problèmes. Ils mènent une vie calme et paisible dont rêvent des millions de personnes partout dans le monde.

Tout ça est bien beau mais concrètement, sont-ils vraiment heureux ? On ne nous montre rien directement, que des allusions. La petite fille qui fait semblant de devenir aveugle, ensuite l'extrait du journal qu'elle a lu et qui explique pourquoi elle a fait ça nous donne une petite idée. Mais de façon plus générale, mener une vie aussi monotone peut-il vraiment rendre quelqu'un heureux ? Est-ce qu'on peut se sentir vivant en suivant un rythme pareil ? C'est comme si on assistait à la vie d'une famille de robots et non pas d'humains.

Le style froid, distant et minimaliste rappelle un peu Bruno Dumont, ce qui ne va certainement pas plaire à un bon nombre de personnes. Mais les buts sont très différents chez les deux réalisateurs. Là c'est du nihilisme pur et dur. On ne se prend pas la tête à dépouiller la vie de tout ce qu'elle a de beau, ou encore à montrer le mauvais côté du genre humain. On se contente tout simplement de nous montrer la vie telle qu'elle est.

9/10

Friday, March 25, 2011

R-Point

R-Point (Kong Su-Chang, Corée du Sud, 2004)



Janvier 1972, une base sud-coréenne au Vietnam reçoit une transmission radio étrange. Cette transmission provient d'un peloton déclaré mort. Une équipe est constituée pour aller les chercher.

Je ne sais pas pourquoi mes attentes étaient hautes par rapport à ce film ; et je n'étais pas du tout déçu du résultat, c'est même le contraire.
J'ai une certaine attirance envers les films d'horreur où il y a des militaires. Ils sont déjà armés, il y a donc un sentiment de sécurité qui règne quelque part, que ce soit chez le spectateur ou chez les personnages eux-mêmes. De plus ils savent mieux s'organiser que des "gens normaux" face à des situations de crise. Et finalement, c'est toujours mieux de voir des personnages qui gardent quand même un certain sens de responsabilité plutôt que des filles affolées qui courent en soutien-gorge... enfin, pas vraiment mieux si vous voyez ce que je veux dire.

Mais là c'était tout de même différent. Les soldats sont avant tout des humains, et les crises de folie sont assez nombreuses. C'est ce qui fait le charme du film d'ailleurs. Contrairement aux histoires de fantômes usuelles où il y a des monstres partout qui attaquent à tout va, ceux présents ici n'agissent pas de façon directe.

Les hallucinations causées par les revenants vont pousser les militaires aux frontières de la folie. Ils n'ont toutefois qu'une seule envie en tête : en finir le plus rapidement possible avec cette mission pour revenir chez eux. Mais les choses ne sont jamais aussi simples. Certaines découvertes vont les pousser à douter de tout et à perdre confiance envers leurs supérieurs...

Sans en ajouter plus, je me contente de dire ceci : si vous aimez les bons films d'horreur qui suivent les règles classiques du genre, vous n'allez pas être déçus.

9/10

Wednesday, March 23, 2011

Three

Three (Kim Ji-Woon/Nonzee Nimibutr/Peter Chan, 2002, Hong Kong/Corée du Sud/Thailande)



Trois films d'horreur asiatiques. Chacun vient d'un pays. Chaque segment est d'un style et d'une culture différents.

Memories (Kim Jee-Woon) :
Un homme ne se souvient plus de la raison qui a poussé sa femme à disparaître. Effrayé par le fait de voir son fantôme régulièrement chez lui, il va voir un spécialiste.
Parallèlement, une femme se réveille en pleine rue tout en n'ayant aucune mémoire de ce qui l'a amenée là où elle s'est retrouvée.

Pas mal de clichés ici, et la fin est facilement devinable, mais ça reste tout de même une belle expérience. Il y a un manque cruel de vie qui procure une sensation étrange. Pour un film d'horreur qui mise sur des techniques très standard du genre, ça done donne quelque chose de bizarre.

The Wheel (Nonzee Nimibutr) :
Dans un petit village thailandais, des artistes utilisent des poupées pour divertir les habitants. Ces poupées peuvent toutefois être enchantées par des forces maléfiques qu'il vaudrait mieux ne pas réveiller...

Ceci est indéniablement le pire des trois court-métrages. L'histoire est intéressante à la base mais l'exécution est tellement terrible. On a droit à plein de clichés horribles. Le personnage qui n'y "croit" pas et qui va certainement mourir en agonie. Les personnages inutiles qui meurent sans raison. L'ennemi du bien qui se sent trahi et qui doit se venger peu importe le prix.
Tout ceci ne devrait pas vraiment poser un problème, mais ce n'est pas tout. On a également droit à des ralentis totalement inutiles et mal placés. On ne voit jamais l'action comme si c'était dans le but de créer une sorte de mystère, en vain. Des évènements qui s'enchaînent sans qu'on ne comprenne trop les raisons...

Bref, ma deuxième expérience avec l'horreur thailandaise est une énorme déception.

Going Home (Peter Chan) :
Un homme et son fils déménagent dans un nouvel appartement. À leur arrivée, ils remarquent que pratiquement tous les habitants étaient en train de quitter ou ont déjà quitté le complexe.
Peu de temps après, le gamin disparaît et son père part à sa recherche.

Going Home est de loin le plus intéressant des trois, c'est pour ça que je préfère ne rien dévoiler là-dessus. Il se passe des choses auxquelles on ne s'attend pas du tout. L'explication est droit devant nos yeux mais il est difficile de l'avaler ; non pas parce qu'elle est insensée ou mal faite, mais parce qu'elle est plus profonde qu'elle en a l'air.

7/10

Sunday, March 20, 2011

Les Anges du Péché

Les Anges du Péché (Robert Bresson, 1943, France)



Anne-Marie, plutôt riche, se joint à un couvent qui se spécialise dans la réhabilitation des anciennes criminelles. En rencontrant Thérèse dans une prison, elle en devient obsédée et veut à tout prix l'intégrer dans le même couvent.

Il parait que Robert Bresson a réalisé ce film une année après être sorti d'un camp nazi. C'était peut-être l'inspiration principale pour son premier film qui, certes, n'a rien à voir avec les prisons des nazis, mais qui au fond ne s'en démarque pas tant que ça.

Le couvent en question accueille les prisonnières à bras ouvers. On leur offre une sorte de refuge, tant spirituel que physique, pour ainsi en faire de meilleures personnes. Les soeurs ne sont donc plus gardées par des gardiens. Elles n'ont plus à être enfermées dans des cellules pendant des journées entières. Elles n'ont plus à faire des tâches à contre-coeur...

Elles doivent désormais respecter les règles du couvent. Elles font le ménage, elles lavent les linges, elles se couvrent la tête avec un voile pour empêcher les autres soeurs de voir leurs cheveux, elles font la prière, elles reçoivent des punitions, elles assistent à des cérémonies symboliques, ou devrais-je dire mécaniques... en gros, elles changent tout simplement de "forme" de prison. Mais cette fois c'est, en quelque sorte, par la grâce de Dieu qu'elles sont emprisonnées.

Elles ne peuvent pas se plaindre car sinon, d'un côté, ça ne va pas plaire à Dieu, et d'un autre, elles peuvent se retrouver dans la rue, avec comme tag "criminelle". Autant jouer l'hypocrisie devant les soeurs supérieures pour gagner leur sympathie et faire semblant d'être heureuses.

C'est là qu'intervient Anne-Marie. Elle est plutôt impulsive, naïve, gentille, et malgré tout persévérante, ce qui ne plait pas à tout le monde. Après sa rencontre avec Thérèse, elle n'a plus qu'un seul rêve : la voir avec elle dans le couvent. Une chose que je n'ai pas du tout aimé dans le film, et d'ailleurs le personnage d'Anne-Marie en tout m'a assez repoussé. Voir autant de bonté accordée à un inconnu, avec cette ferveur, me paraît insensé, énervant à la limite. Et c'est peut-être à cause de ça que l'intrigue du film a pris le chemin qu'elle a pris par la suite...

7/10

Monday, March 14, 2011

Peppermint Candy

Peppermint Candy (Lee Chang-Dong, 1999, Corée du Sud)



Un homme s'invite à un picnic organisé par ses anciens camarades qu'il n'a pas vu depuis 20 ans. Il parait agité et finit par se suicider. Le film retrace ces 20 dernières années de sa vie.

Les premières images pourraient donner une fausse impression sur ce qui va suivre. On pourrait d'un côté s'attendre à un mélodrame romantique emmerdant, et d'un autre se dire que la suite ne va pas être à la hauteur de cette entrée en force.

Kim, l'homme en question, parait un peu déboussolé, comme s'il avait bu quelques verres de trop ou qu'il a fumé quelque chose de fort. Son comportement vis-à-vis des personnes présentes est de plus en plus incompréhensible. Mais tout le monde s'en fout et continue à s'amuser, ce qui l'enrage encore plus. C'est une rage tristement profonde qui le tourmente. Il finit par s'éloigner du troupeau pour tenter le suicide...

La force de cette première scène pourrait facilement passer inaperçue. Certains trouveraient ce comportement ridicule et totalement insensé, mais il faut avoir été témoin d'une situation similaire pour comprendre à quel point c'est percutant, à quel point c'est réel.

Mais qu'en est-il du reste ? Qu'est ce qui l'a poussé à commetre cet acte, courageux pour certains, lâche pour d'autres ? D'après ses paroles, il pourrait s'agir d'un amour perdu ; mais en vérité c'est beaucoup plus poussé que ça. Les explications viennent petit à petit. On finit par comprendre qu'il n'y a pas "une" raison, mais que c'est une affaire plutôt compliquée.

On raconte souvent que juste avant la mort, on voit nos vies défiler devant nous en l'espace de quelques instants. Ceci pourrait être le cas ici. C'est tout juste avant la mort de Kim que le film revient en arrière. À chaque nouvelle station de sa vie, on découvre un peu plus sur sa nature, ou peut-être pas sa vraie nature finalement, mais ce qui en a fait cette personne. On apprend à le haïr, à le détester, à se dire qu'il a bien mérité son sort. À partir d'un certain moment la violence devient le mot d'ordre dans la vie de Kim, mais plus ça avance plus on éprouve de la compassion à son égard. Il reste très humain malgré tout...

Ca fait longtemps qu'un film ne m'a pas affecté aussi profondément, je préfère donc m'arrêter ici et laisser à tout le monde le plaisir de tout découvrir sans rien dévoiler de plus.

9.5/10