Sunday, September 15, 2013

Enter the Void

Enter the Void (Gaspar Noé, 2009, France/Allemagne/Italie/Canada)


Oscar, jeune américain vivant depuis peu à Tokyo, gagne sa vie en vendant de la drogue. Lors d'un deal qui va très mal, il est tué et son âme commence un voyage à travers l'espace et le temps...

La première fois que j'ai vu Enter the Void j'étais plutôt déçu. Après Carne/Seul Contre Tous et Irréversible, des claques impossibles à oublier, on s'attendrait à quelque chose d'encore plus poussé, tout en ayant un style différent. À lire l'intrigue sans rien savoir d'autre sur le film, on penserait que c'est tout à fait le cas ici. Seulement voilà, c'était assez long et lourd, et s'il y a quelque chose de choquant, ce n'est pas fait de façon directe comme dans les films précédents de Noé.

La première partie qui montre Oscar en train de tripper et de se préparer à aller faire son deal était très prometteuse. La caméra joue le rôle des yeux d'Oscar. On voit ce qu'il voit et on entend ce qu'il entend. Du coup, ce qui arrive pendant cette partie a un impact plus fort. On ne "voit" pas seulement le personnage agir, on "est" le personnage. On entend ce qu'il entend, voit ce qu'il voit (y compris ses hallucinations), et en plus on a droit à ses pensées en temps réel.
Tout le reste du film est constitué de scènes où la caméra ne fait que survoler certains événements qui tournent autour de la vie et de la mort d'Oscar. C'est fait d'une manière épatante. On a vraiment l'impression de voler par soi-même au-dessus des ruelles désertes de Tokyo ; et avec les lumières et les couleurs présentes de façon extravagante, on se croirait en train de rêver.

J'ai décidé de revoir le film en sachant à quoi m'attendre et en me préparant... psychologiquement, et cette fois j'étais émerveillé. C'est une tâche extrêmement difficile à réaliser que de faire vivre aux spectateurs une expérience de ce genre. Gaspar Noé a essayé de nous transmettre les sensations que vit une personne sous l'effet d'hallucinogènes. Il a essayé de nous transmettre ce qu'il a personnellement vécu en étant plus jeune, et bien plus encore.

C'est un véritable voyage sans limites auquel on est sujet. Le temps et l'espace n'existent plus. Il n'y a pas de murs qui peuvent stopper l'errance de l'âme d'Oscar. Il n'y a pas de frontières temporelles pour l'obliger à vivre le "présent". Du coup on assiste à tout. Les répercussions de la mort sur sa soeur en particulier, la mort elle-même d'un point de vue "extérieur", et les événements qui ont résulté en cette mort. Ces événements s'étendent jusqu'à son enfance où une autre catastrophe a déjà eu lieu.

Mais Oscar ne semble pas être prêt pour la mort. Après avoir eu connaissance du concept de la réincarnation chez les buddhistes, il semblerait que son âme ne soit pas encore résignée à partir. Peut-être qu'elle a été tellement imprégnée par l'idée qu'elle en a fait sa raison d'être, ou peut-être seulement que c'était une coïncidence ; mais dans tous les cas, Gaspar Noé nous a fait vivre la mort de ce point de vue en particulier. L'âme d'Oscar erre vraisemblablement sans but bien précis au début, mais petit à petit, son dessein commence à s'éclaircir. Et heureusement pour nous, on fait partie de ce voyage ; un voyage où on voit tout, où on entend tout et où on est presque capables de sentir tout ce que ressent une âme qui vient de quitter son hôte.
Le vide règne en plein coeur d'une ville plus que vivante. Et d'ailleurs c'est assez récurrent de voir en alternance deux actes totalement contradictoires : la mort, et la création de la vie.
Le style visuel extrêmement riche joue un rôle très important à peindre des images sublimes de ce qu'est "la création de la vie", contrairement à celles de la mort où il s'agit souvent de scènes qui frappent en pleine face sans avertissement. Le réalisateur nous force à revenir à la dure réalité de temps en temps, tout n'est pas beau et serein, même pas après la mort.

Il y a toutefois quelques petits soucis mais qui, heureusement, n'arrivent pas à gâcher cette expérience. La "promesse" faite durant le film est un peu forcée, qu'elle soit par sa réapparition çà et là ou par sa nature même qui est assez clichée. On essaie de nous pousser à nous attacher aux personnages alors qu'on n'en ressent pas vraiment le besoin.
La durée pourrait déranger certains, mais ce n'est plus un problème si on sait à quoi s'attendre et si on s'y prépare à l'avance. Le résultat est gratifiant.

Enter the Void est l'un des ces rares films qui ont réussi à m'entraîner dedans sans peine. Et même si je préfère voir Gaspar Noé revenir sur terre plutôt que de voler entre le monde des vivants et celui des morts, je reste curieux et impatient quant à la découverte de sa prochaine oeuvre. J'espère seulement qu'elle ne prendra pas aussi longtemps pour voir le jour.

10/10