Thursday, November 21, 2013

World War Z

World War Z (Marc Forster, 2013, USA/Malte)


La terre entière est brutalement affectée par une pandémie de zombies. Face à la propagation ultra-rapide du virus, Gerry Lane, ancien membre des Nations Unies, est appelé par les militaires en vue de trouver un antidote.

Un seul homme pour sauver la terre d'une attaque de milliards de zombies, cela ressemblerait plutôt à un scénario de super-héro qui aurait pour mission de délivrer notre planète d'un mal qui risque d'éradiquer l'humanité toute entière.
La question qui se pose est : peut-on appliquer le concept du Hero's Journey à un film de zombies "réaliste" ?
La réponse est évidente mais ça serait plus intéressant de voir comment cette notion influe sur un film qui se veut terre à terre, ou devrais-je plutôt dire comment, dans ce cas précis, elle se met en opposition par rapport aux principes de base d'une production de ce style.

L'un des éléments les plus récurrents dans les films d'horreur en général, et dans les films de zombies en particulier, est un endroit avec un espace et des issues limités. C'est d'autant mieux si ces endroits sont sombres, sales, délabrés, de façon à provoquer des sensations de claustrophobie chez le spectateur. Gerry Lane, pour notre plus grand bonheur, passe par des endroits pareils ; mais il se trouve que cela ne constitue qu'une toute petite partie du film. Pour le reste ça se passe en plein air où les possibilités d'être attrapé par un groupe de mort-vivants sont radicalement réduites. Du coup c'est un autre élément important qui délaisse sa place au profit d'une voie plus orientée vers l'action : l'effet surprise de frayeur est assez absent, ou alors pas toujours convaincant. Après un certain temps on s'habitue à la situation et, vu les nombreuses fois où notre protagoniste échappe à la mort à la dernière seconde, on ne se soucie plus vraiment de son état ; ce qui n'est pas grave en soi mais vu l'absence d'attachement aux personnages secondaires et la facilité avec laquelle ils peuvent disparaître, cela devient une erreur monumentale.

Ce qui nous mène vers l'élément suivant : les personnages secondaires. Dans World War Z on a l'impression que tous ceux que Gerry rencontre ne sont là que pour des buts bien précis : soit mourir (souvent bêtement), soit l'aider à dépasser telle ou telle épreuve. ET il n'y a vraiment que ces deux types. Bien entendu, ces personnes ne sont pas supposées nous faire pleurer en les voyant mourir, mais en même temps elles ne devraient pas disparaître aussi légèrement non plus. Tant que notre figure principale va bien tout le reste est facultatif, aucun suspens réel, aucune importance ne leur est accordée et du coup, aucune sensation d'effroi authentique.

En recollant ces éléments ensemble on se trouve obligatoirement dans la case suivante : l'histoire. Au-delà des allégories usuelles de l'Amérique qui se dévore de l'intérieur, des peurs et autres obstacles que représentent les zombies dans la vie d'un individu etc., on peut désormais se contenter de quelque chose de solide, sans plus. World War Z aspire à plus qu'une simple histoire d'apocalypse où aucun espoir n'existe et les idées originales ne manquent pas, ce qui apporte quand même une certaine fraîcheur à un genre où il est assez difficile de trouver de nouveaux horizons à explorer.
C'est bien d'être ambitieux, encore faut-il savoir mettre en pratique cette ambition. Les fondations mêmes sont mal faites et c'est toute la réalisation qui en souffre ; et il ne s'agit même pas de la monotonie des clichés inefficaces mais plutôt de la débilité dans la façon d'aborder le dénouement, entre autres. D'ailleurs peut-on l'appeler "dénouement" en ayant la conscience tranquille ? Cette publicité gratuite totalement déplacée est carrément une insulte, d'autant que ce qui s'en suit ne tient pas debout.

Qu'est ce qui reste alors ? Mais bien sûr, et oui c'est un élément très important : le gore ! Qu'est ce qu'un film de zombies sans des murs peints de sang, des entrailles éparpillées partout, des têtes qui explosent à coups de marteaux ? C'est un peu comme garder sa chasteté jusqu'au mariage : c'est moche, ça n'a aucun goût et surtout, c'est stupidement inutile ; c'est à peu près ce qu'on ressent à la fin de World War Z. La violence liée aux zombies procure un plaisir très particulier, assister à des scènes où des hommes se dévorent littéralement entre eux, ou encore les voir se soumettre aux pires formes de violence possibles est un régal qui n'a pas d'égal ! Pourquoi nous en priver alors ? Je ne vois qu'une seule réponse possible : présenter une forme de divertissement de basse qualité tout en donnant la chance aux plus jeunes d'en profiter.

Mais dans ce cas, si pratiquement rien de ce qui peut faire un bon film de zombies n'est présent, est-ce que World War Z a un quelconque mérite ?
Les vingt premières minutes sont excellentes. La tension monte lentement dans l'arrière plan et puis tout éclate sans aucun préavis ! On est plongé de force dans la panique générale dans une grande ville américaine au début d'une attaque de zombies, et il faut l'avouer c'est vraiment réussi ! Et c'est cette attaque de grande envergure qui donne au film un aspect assez spécial. Les scènes où des centaines, voire des milliers de zombies sur-excités sont en train de tout anéantir sur leur passage ne manquent pas, nous montrant par la même occasion des comportements qu'on observe rarement chez ces mort-vivants. De même pour les vivants qui essaient tant bien que mal de rester en vie, de s'organiser et de chercher une solution à cette catastrophe sans précédent. Les militaires sont bien structurés, contrairement à ce qu'on voit d'habitue où ils ne sont que des bandes très limitées et dont les objectifs dans la vie ne se résument plus qu'à concurrencer les zombies dans leur domaine.

Malheureusement même les points forts de World War Z ont des lacunes, et on finit par en avoir ras le bol à la longue. Le film vise loin mais c'est dans la mauvaise direction qu'il pointe son viseur. C'est vraiment désolant de voir, encore une fois, un film au potentiel énorme gâché pour rien.

3/10

Friday, November 15, 2013

Prometheus

Prometheus (Ridley Scott, 2012, USA/UK)


On est en 2093, une équipe d'explorateurs découvre un indice important sur les origines de l'être humain. Ils partent dans l'espace en vue d'en savoir plus.

Habituellement, les films de science-fiction ont un ou plusieurs buts : nous donner un aperçu, souvent pessimiste, sur le futur ; nous emmener carrément dans le futur ; donner des explications sur l'origine de la vie ; se concentrer sur une découverte scientifique en particulier et nous montrer son impact sur l'humanité etc., et, généralement, la qualité du film repose essentiellement sur le degré d'atteinte de ces buts. La manière de le faire peut être soit mise en avant à travers des effets spéciaux réussis par exemple, soit mis en arrière pour laisser la place à l'intrigue. Dans tous les cas, il faut que cela soit convaincant.

C'est à partir de là qu'on peut commencer à cerner les problèmes de Prometheus : la trame a un potentiel énorme qui est gâché par des petits détails qui, faute d'être nombreux, vont finalement détruire le film. Il y a tellement de "plot holes" qu'on a l'impression d'assister à une production pour enfants où n'importe quelle raison peut justifier des actes totalement insensés.

La première partie du film, juste avant l'arrivée à la planète-destination, en souffre moins que la suite. L'avancement dans le scénario est plutôt alléchant en éveillant subtilement la curiosité des spectateurs. Après tout, qui ne voudrait pas avoir même la toute petite idée sur l'origine de l'espèce humaine ? Et pourtant certains membres de l'équipage restent de marbre devant une découverte de cette envergure. Il y en a même qui se montrent agressifs face à une révélation qui vient tout bouleverser dans leur vie.

Plus le vaisseau approche plus la tension monte. Le comportement totalement stupide et irrationnel des explorateurs commence à se manifester assez tôt. On pourrait l'ignorer ou faire semblant de ne pas s'en apercevoir mais lorsque ce sont ces mêmes erreurs qui conduisent carrément la trame, ça devient insupportable. Voilà un exemple : des astronautes dans une planète totalement inconnue entrent dans son atmosphère. L'air qui s'y trouve est toxique, mais à l'intérieur d'une sorte de cave, il est totalement respirable. Que font-ils ? Ils enlèvent leurs casques sans se soucier de l'existence potentielle de virus ou de je ne sais quoi qui serait totalement étranger à ce qui se trouve sur terre. Mais là ce n'est vraiment rien, c'est le genre de détail qu'on peut facilement ignorer. Par contre, lorsque ces mêmes explorateurs trouvent des matières ou des créatures bizarres, et qu'ils décident de jouer avec sans faire attention, on ne peut plus fermer l'oeil face à ça. Le pire c'est que ces choses se répètent et s'aggravent et, comme je l'ai déjà dit, constituent le moteur du film.

D'autre part, il y a cette envie incessante à essayer de compliquer les choses pour rien. Dans quel but veulent-ils instaurer ce sens de "mystère" totalement inutile, au bord du vaisseau ? Forcer l'implication du public ? Lui dire que X est un gentil, que Y est un méchant et qu'il faut se mettre du côté du gentil ? Est-ce qu'on a vraiment besoin de ceci ? Ils auraient pu laisser un peu de place aux spectateurs pour réfléchir par eux mêmes, quoique le sujet de la réflexion n'aurait pas dû exister en premier lieu. La menace qui vient de l'extérieur est beaucoup plus intéressante à suivre que de voir un homme portant un masque pour donner un semblant de vieillesse et qui se cache pour une raison futile.

Le film n'est tout de même pas mauvais sur tous les points, bien au contraire même. Les possibilités sont vastes et c'est malheureux de les voir ruinées de cette façon à cause de la mauvaise écriture du scénario. Les paysages sont magnifiques et les scènes qui se passent à l'extérieur sont envoûtantes, alors que les scènes tournées dans les caves sont engouffrantes. Ces couloirs sombres et étroits dans un environnement pas très accueillant arriveraient presque à nous étouffer. Même si l'air est respirable pour les personnages du film, il l'est beaucoup moins pour nous qui avons une meilleure vision globale de l'histoires. De plus, le robot David apporte une approche très intéressante au concept de l'intelligence artificielle, et c'est de loin la figure la plus captivante à suivre et à (essayer de) comprendre.

Prometheus aurait facilement pu être l'Alien de cette génération. Un peu d'attention à l'écriture et ça aurait fait un véritable chef-d'oeuvre ! Mais malheureusement, et contrairement à certains classiques du genre qui sont infaillibles vis-à-vis de ces détails, on se contente d'un film de science-fiction/horreur hautement divertissant, certes, mais facile à oublier.

5/10

Sunday, November 10, 2013

Wled Ammar

Wled Ammar (Génération Maudite) (Nasreddine Ben Maati, 2013, Tunisie)


Un documentaire qui relate les faits de ce qu'on appelle "la révolution tunisienne" du point de vue des cyber-activistes qui ont pris part à ces événements.

Le 17 décembre 2010 était une journée inoubliable pour la Tunisie. Ce fut le début des énormes vagues de protestation qui ont touché toutes les parties du pays et qui ont fini, directement ou indirectement, par obliger Zine El Abidine Ben Ali à quitter le pays. Ce documentaire relate les faits qui ont conduit à ce résultat, remontant jusqu'à la naissance de la cyber-dissidence avec Zouhair Yahyaoui, et allant jusqu'à nous montrer la résultante de tous ces événements.

À lire ceci on pourrait penser qu'il s'agit tout simplement d'un film de plus sur la "révolution tunisienne", mais Wled Ammar est bien plus que cela. On parle souvent du "rôle des jeunes dans la révolution tunisienne", mais concrètement, ce sont les vieux de 60, 70 et même 80 ans et plus qui se livrent des batailles sans merci sur le pouvoir. Ces mêmes vieux qui sont les responsables directs de l'état actuel et passé du pays sont toujours là à insister à nous enfoncer encore plus, à vouloir anéantir toute source d'espoir pour voir un vrai changement prendre place. Mais heureusement, ce documentaire nous montre qu'une autre voie est possible. La "vieille génération" qui n'avait pas confiance en sa jeunesse a pris une bonne gifle. En sortant protester contre la police armée, en postant des articles qui défient la censure sur internet, le message était clair : on en a marre de votre passivité, de votre peur, maintenant il faut agir, et ça sera sans vous, les vieux !

C'est à travers l'humour et la bonne humeur qu'on a la chance de revivre ces événements historiques. Et même si la situation actuelle du pays est désespérante, et c'est le prix à payer si nous ne voulons pas faire marche arrière, Wled Ammar nous transporte en arrière pour nous rappeler qu'un renouvellement est toujours possible. Nous avons l'opportunité de faire un voyage dans le temps, un temps où on revait encore d'une vraie révolution ; ce qui pourrait être une nouvelle source d'inspiration ou de motivation pour exiger plus et ne pas baisser les bras. Un changement radical est nécessaire et ce ne sont pas des élections qui vont rélger les problèmes du pays.

Ce fut un énorme plaisir de revoir toutes ces images et vidéos qui ont bouleversé l'espace virtuel tunisien pendant l'année 2010. J'ai également eu un sentiment de nostalgie en voyant ma tête sur la photo de l'opération T-Shirts Blancs du 22 mai. Il y avait beaucoup de détracteurs à l'époque qui ne faisaient même pas de la critique mais tout simplement du dénigrement gratuit ; je ne demande qu'à voir leurs têtes maintenant que les actions jugées futiles dans le temps ont fini par porter leurs fruits.

Wled Ammar reste à l'affiche jusqu'au 20 novembre prochain. Allez-y, nous ne serez pas déçus !

9/10

Saturday, November 2, 2013

The Hunt

The Hunt (Thomas Vinterberg, 2012, Danemark)


Lucas, enseignant dans un jardin d'enfants, voit sa vie bousculer lorsque l'une des enfants dont il est chargé décide d'émettre un mensonge.

C'est un accomplissement très difficile à réaliser que de peindre un concept comme la morale. Ou plutôt devrais-je dire comment remettre en question certaines valeurs pré-établies, et ce à travers un exemple concret et tout à fait réaliste. Aucun symbolisme à interpréter, pas d'expérimentation à se tordre le cou en essayant de suivre son chemin, on a ici une expérience brute, dure et extrêmement difficile à avaler.

Certaines tendances ou traditions sont souvent des lois non-écrites mais que tout le monde respecte à la lettre. Il y en a qui les respectent peut-être même plus qu'ils ne respectent leurs dieux. Ce sont carrément des tabous chez les peuples les plus "civilisés" au monde. L'innocence d'un enfant, par exemple. Même si l'éducation diffère de région en région, une limite est toujours marquée d'avance. Il y a des sujets sur lesquels un enfant ne peut pas mentir. Il lui est impossible de concevoir dans sa tête que telle chose puisse exister. Connaître ces choses peut avoir des effets dévastateurs sur l'enfant et sur son avenir. Faire voir à un esprit une chose qui le dépasse, face à laquelle il n'est pas encore prêt, cela peut le traumatiser à vie.

Mais assez parlé de choses évidentes. Ce que nous propose The Hunt est une vision très négative de l'être humain. L'enfant a besoin d'éducation et d'instruction parce que sinon il fera des dégâts. Si on le laisse faire à sa guise il détruira tout, y compris lui-même. Il faut donc le former, le guider, et c'est en adoptant cet apprentissage qu'il pourra commencer à parcourir le chemin de l'intégration avec la société. Plus la voie est obstruée, plus son intégration sera difficile. Il faut donc qu'elle soit bien tracée pour éviter toute chance de déviation. Et c'est ce qui arrive avec Klara, la petite fille qui a tout détruit dans la vie de son enseignant Lucas, par son "innocence". Elle reçoit ce qui doit être l'une des meilleures éducations dans le monde dans un environnement favorable, mais de simples querelles entre ses parents, aussi usuelles peuvent-elles paraître, sont suffisantes à la pousser à agir de manière totalement... insensée ? Mais qu'est ce qui est censé être "sensé" au juste dans le comportement d'un petit enfant ?

Klara a eu un certain choc qui l'a poussée à mentir. Quoi de plus normal que de voir un enfant mentir ? Mais le degré de mensonge chez l'enfant a des limites. Il y a des choses qu'il ne peut pas décrire. C'est tout son entourage, y compris ses parents, qui en est conscient. C'est une vérité générale. On en arrive même à la pousser à appliquer cette vérité peu importe sa véracité. Et ils font ça en "bonne foi". Ils la poussent carrément vers une direction dangereuse tant que cela ne sort pas des normes. On croirait presque qu'ils souhaitent l'authenticité de la chose, que les parents veulent vraiment voir leur fille subir une épreuve dévastatrice plutôt que de la voir mentir.

Des actes comme ceux décrits dans le film arrivent partout, mais il faut se demander pourquoi. Est-ce parce que c'est carrément devenu la norme qu'il faut toujours quelqu'un pour les suivre ? Et en cas de doute, faut-il éliminer ce doute en se basant sur ce qui se fait d'habitude ? Et si jamais on se trompait ? La foi défie toute logique, peu importe les conséquences. Le monde d'un individu, et le monde tout court, est détruit par "innocence" et en toute "bonne foi". L'insouciance de l'enfant face à cette destruction est alarmante. Et même quand c'est Klara elle-même qui avoue avoir menti, on préfère la faire taire et lui inculquer une nouvelle vérité qui arrange tout le monde.

La force du film réside dans le fait de montrer tout ceci, et encore plus, d'une façon très simple. À travers des dialogues totalement réels et des situations faciles à croire, l'impression de voir un film s'envole sans qu'on ne s'en aperçoive. Il s'agit maintenant de suivre le déroulement d'une histoire et la caméra n'est là que pour nous montrer l'essentiel. Ce qu'on voit à l'écran peut arriver à n'importe qui, n'importe où dans le monde. C'est la norme qui dicte ces événements et qui pousse même les adultes à forcer l'enfant à admettre des choses dont elle ignore l'existence.
Exercer le mal sans en être conscient, sans donner la chance à la vérité d'éclater, c'est peut-être la pire forme de "mal" qui puisse exister. Et notre monde est bâti sur ça.

10/10