Tuesday, October 24, 2017

Blade Runner 2049




Au cours d'une mission de routine, K., Blade Runner de la nouvelle génération, fait une découverte importante. Ses implications sont énormes, et il y a déjà des intéressés prêts à tout pour mettre la main dessus.

Depuis plusieurs années on assiste à des séries de relancements, continuations et résurrections de vieux films qui ont marqué le cinéma. Que cela soit dans le but de profiter des nouvelles technologies qui permettent de mieux représenter le monde tel qu'il est voulu, ou tout simplement par recherche de gains qui vise une nouvelle audience qui n'a pas pu grandir avec des oeuvres imprégnées de cette influence, le résultat est souvent mauvais, voire même catastrophique ; et peu importe s'il s'agit du même réalisateur qui revient pour une nouvelle sortie, ce n'est pas une garantie. L'exemple qui est le plus proche ici serait évidemment Ridley Scott avec Alien en 1979, et qui nous a sorti il y a quelques années le très décevant, et pourtant prometteur, Prometheus, et par la suite Alien: Covenant. Quand on voit donc qu'une suite à Blade Runner était en cours, on devient tout de suite suspicieux.

Sauf que le réalisateur n'est autre que Denis Villeneuve. Il venait déjà de nous gratifier avec Arrival pas plus tard que l'année dernière, nous montrant par la même occasion qu'il est tout à fait à l'aise avec la science fiction. Sa filmographie est sans fautes, variant de "c'est vraiment un bon film" à "quelle putain de merveille !", et à voir la bande annonce sortie au courant de l'année, c'était vraiment alléchant.

Mais le défi reste gigantesque. Nous parlons ici de Blade Runner, un film qui a carrément ramené au grand écran un monde entièrement nouveau, tout en y mélangeant des genres jusque lors pas totalement compatibles. Et par-dessus tout, en parallèle à la plongée visuelle sublime dans ce monde à la fois glauque et merveilleusement coloré, il est question d'existentialisme subtilement novateur, pour l'époque. Et même si Blade Runner a influencé un nombre incalculable de films par la suite, il a à son tour été influencé par d'autres, Westworld étant peut-être le plus flagrant, notamment parce qu'il a aussi traité de la même thématique. Mais contrairement aux limites posées par Westworld qui s'intéresse moins à l'identité d'une entité intelligente et plus à directement montrer son "éveil" qui se révèle à la fin assez creux, Blade Runner n'a pas peur de s'aventurer et de poser des questions plus sérieuses.

Comment va faire Denis Villeneuve alors pour relever le défi ? Va-t-il juste se concentrer à nous plonger dans son monde à lui comme on le voit clairement dans la bande annonce ? Cette suite se limitera-t-elle à des plans remplies de couleurs et de lumières en tout genre ? Ou tentera-t-il aussi de pousser, à son tour, ces questions encore plus loin ? Et surtout, va-t-il réussir à le faire ?

Je n'ai vu Blade Runner 2049 que deux fois jusqu'à maintenant, et la première était malheureusement en 3D. D'ailleurs j'en profite un moment pour me plaindre un peu. Pourquoi est-ce que les salles tunisiennes, visiblement très mal équipées (d'ailleurs même pour un film en 2D), continuent à proposer des films en 3D ? Je n'ai jusqu'ici eu que de mauvaises expériences, soit les lunettes sont floues, soit l'écran est trop sombre, soit les deux. Et à la fin, au lieu que la 3D (qui n'est évidemment toujours pas nécessaire dans la majorité de ces nouvelles sorties) n'améliore la chose, on se trouve obligé, en tant que spectateurs, à essayer de nettoyer une tâche qui ne part jamais, où à carrément enlever les lunettes pour mieux voir (et parfois même juste comprendre) ce qui se passe à l'écran. Ce n'était donc qu'à ma deuxième fois que j'ai pu réellement vivre l'expérience Blade Runner 2049, pleinement, et la qualité de l'image à l'Agora y a énormément contribué. Je fais de la promotion gratuite, j'en suis conscient, mais malgré le prix du ticket absurde pour un film en 2D (le même que pour voir un film en 3D ailleurs) et la taille minuscule de la salle, je suis sorti satisfait. Je mentionne ceci parce que c'est important de voir le film dans de bonnes conditions.

Cette suite repose essentiellement sur les bases du premier, et le côté visuel n'est certainement pas le moindre. Le nombre de détails à explorer dans chaque cadre est tout simplement incroyable. Et bien que ces détails n'ajoutent pas toujours un plus à l'histoire, ils sont là pour contribuer à notre immersion, ce qui est un concept important ici. Il est tout à fait possible de se perdre face à l'écran énorme dans un cinéma, à littéralement tourner la tête à droite et à gauche pour ne rien rater. La ville est montrée sous des angles différents de ceux de 1982, à partir de points de vue plus distincts, et ce mélange de couleurs, noirceur, lumières, et bidonvilles donne un résultat sublime. Mais ça ne s'arrête pas là. Villeneuve n'as pas peur de s'aventurer loin, beaucoup plus loin qu'on ne l'aurait pensé. Il existe des mondes radicalement différents en dehors de Los Angeles, comme par exemple la vieille ville abandonnée qui semble être la manifestation réelle des oeuvres de Zdzislaw Beksinski. Et là encore l'immersion est totale. Les couleurs jaune/orange qui dominent se dégagent d'une telle intensité du grand écran qu'on a l'impression d'être absorbé à notre tour par ces couleurs. Ce monde dépasse le virtuel et nous prend habilement pour nous plonger dans cette nouvelle réalité. Et à la fin du film il devient difficile d'accepter le retour à la réalité. On veut plus. Les deux heures 45 minutes que dure le film ne sont pas assez, et d'ailleurs c'est difficile à croire que tout ce temps s'est écoulé.

La cadence à laquelle Blade Runner 2049 avance est parfaite. Elle va en parallèle à celle du protagoniste qui marche lentement, dans des prises longues et silencieuses, dans une ville déserte, où la brume jaune/orange semble presque avoir une forme solide. Ces scènes sont aussi faites pour le spectateur. Tout comme K. a besoin de temps pour explorer ces endroits et mieux comprendre son identité, son "être", et donc pour s'explorer lui-même, nous en tant que spectateurs l'accompagnons à son propre rythme, découvrant en même temps que lui ce nouveau monde dont on ne soupçonnait même pas l'existence. C'est ce qui explique pourquoi on a l'impression que le film est beaucoup plus court, même s'il y a très peu de scènes d'action.

C'est ce qui explique peut-être, entre autres, les résultats jugés décevants au box office américain. Et d'ailleurs beaucoup de gens ne sont pas au courant des trois court-métrages sortis avant le long de seulement quelques jours (seulement 1.5 millions de vues pour le premier), et c'est dommage. Ils sont disponibles gratuitement sur youtube et, bien qu'ils ne soient pas primordiaux pour comprendre Blade Runner 2049, ils sont disponibles gratuitement sur youtube. Il n'y a donc pas de raison valable pour ne pas regarder les trois court-métrages disponibles gratuitement sur youtube, si on ne veut vraiment rien rater. Et évidemment il faut avoir déjà vu le premier. Les nombreux thèmes explorés ici viennent de l'original, et là encore, Villeneuve a pris le pari de s'aventurer très loin. Ca ne s'arrête plus à la question de "l'humanité" et qu'est ce qui fait de nous des "humains". Qu'est ce qui fait la différence entre telle ou telle forme de vie ? Et d'ailleurs qu'est-ce que le terme "vie" en fin de compte ? Est-ce que l'intelligence artificielle développée pourrait être considérée une forme de vie ? Sommes-nous prêts à accepter l'intelligence artificielle et à lui accorder des droits ?

Le film ne donne pas de réponse définitive sur ces questions, mais il nous montre les possibilités si l'humanité prend des chemins aux dépens d'autres. C'est une suite digne de son prédécesseur. Ceci en soi est un exploit, mais Blade Runner 2049 est plus qu'une simple "suite" qui réussit. Blade Runner 2049 est un chef d'oeuvre à part. Nous avons de la chance d'avoir des réalisateurs du calibre de Villeneuve ou encore de Christopher Nolan, qui non seulement sont très actifs, mais qui en plus essaient de se surpasser avec chaque nouvelle sortie. Mais Villeneuve est déjà à la tête de cette course, et il va falloir beaucoup d'effort pour le dépasser.

10/10

Sunday, March 19, 2017

Train to Busan

Train to Busan (Sang-ho Yeon, 2016, Corée du Sud)


Un homme divorcé et sa fille, à la demande de cette dernière, prennent le train de Seoul vers Busan pour voir sa mère. Au moment où le train démarre, une étrange épidémie se propage à haute vitesse.

Les avis positifs sur Train to Busan étaient tellement nombreux que j'étais excité à l'idée de voir un film de zombies récent et de bonne qualité, d'autant qu'il est coréen.
Je me suis trompé.

Au début tout semblait bon. Tout allait bien. On nous présente les personnages principaux et on essaie de nous forcer à s'y attacher. Le père est quelqu'un de bon, mais il est juste submergé par son boulot, chose qu'on nous impose sans que cela ne soit convaincant, mais ce n'est pas important. Ou du moins au début, parce que la suite repose essentiellement sur ces attachements forcés qui, à force de se répéter, deviennent extrêmement lourds.

La tension est bien construite pour une bonne partie du film. Les zombies font des petites apparitions aléatoires dans l'arrière-plan des événements principaux. Nos protagonistes sont légèrement horrifiés par ce qu'on a identifié comme étant des bandes de criminels qui, semble-t-il, ont décidé d'attaquer plusieurs parties de la capitale. Et puis le train démarre.

Mais il y a un infecté à bord du train, et aussitôt qu'il démarre, les passagers s'aperçoivent que l'épidémie a déjà atteint la gare d'où ils viennent de partir. La propagation est tellement rapide et brutale. Ils n'arrivent pas à comprendre les actions ultra-brutales auxquels ils assistent derrière les vitres mais ils sont au moins à l'abri. Cependant, il ne leur a pas fallu longtemps pour découvrir que l'infection est déjà en phase de propagation sur le même train. Et c'est là que tout l'intérêt commence.

Des zombies enragés à la World War Z dans un train, le carnage promet d'être glorieux ! Les passagers sont très limités dans leurs mouvements et ils sont emprisonnés dans ces cages qui roulent à haute vitesse. Entre temps la propagation du virus se poursuit à une cadence infernale, et bientôt ils vont découvrir certaines méthodes pour éviter les zombies, ou les neutraliser momentanément. Car on comprend petit à petit qu'il n'est pas possible de tuer les monstres. Les humains ont beau les frapper avec des battes de baseball (ce qui devrait être un régal pour les yeux, mais ça arrive presque exclusivement en dehors du cadre), ils ne semblent tomber que momentanément. Ces hordes d'assoifés de sang refusent de rester à terre et finissent toujours par se relever, sans qu'on ne nous en explique la raison. En théorie, cela devrait ajouter encore plus de suspens et de menace, mais en pratique ça ne sert qu'à ajouter une couche de mélodrame dans le sens "On est foutu ! On ne peut rien faire ! Arriver à notre destination est la seule issue !" On est donc toujours conduit de force vers la fin voulue sans vraiment se soucier de nous en convaincre.

Même si des litres incalculables de sang sont utilisés, on ne voit jamais du gore. Un film de zombies violent où l'action est abondante, mais sans entrailles jetées partout, ni de bouts de cervelles qui volent suite à un éclat d'un crâne, c'est presque blasphémateur. C'est comme si le réalisateur était timide dans cet égard, à notre plus grand malheur.

Au lieu de nous offrir un air frais dans un genre où il est de plus en plus difficile d'innover, Train to Busan se contente d'insulter l'intelligence du spectateur en le noyant dans un vaste océan de mélodrame fourré de clichés enfantins. Le passage du président à la télé, le sourire du père à la dernière partie, le personnage méchant qui ne pense qu'à sa propre personne, la scène de "combat de boss" vers la fin... il se passe tellement de mauvaises choses pendant les deux heures que dure le film qu'il serait impossible et inutiler de les citer toutes. La meilleure chose à faire serait tout simplement de l'éviter. Je suis encore fâché après plusieurs jours de l'avoir vu.

3/10