Wednesday, April 13, 2011

Persona

Persona (Ingmar Bergman, 1966, Suède)



Alma, infirmière, doit s'occuper d'Elisabet Vogler, actrice qui a décidé de ne plus parler avec personne. Petit à petit, Alma se confie à Elisabet, seulement pour découvrir qu'elle est en train de s'attacher à elle d'une manière qui la touche profondément...

De l'obscurité nait la lumière. Une série d'images projetées à partir d'un vieil outil de projection et sans relation l'une avec l'autre s'ensuit. Des extraits d'un dessin animé, un film silencieux, une image d'un pénis en érection, une araignée en train de bouger, un mouton qui se fait égorger, des clous qu'on enfonce dans les mains d'un crucifié...

Et voilà que le film commence. Ces images grotesques, bizarres, gaies... en guise d'introduction, à quoi peuvent-elles servir ? On se pose déjà des questions. On s'attend à une suite tout aussi bizarre, chose qu'on finira par avoir, mais pas comme on l'aurait imaginé.

On ne tarde pas à nous présenter Elisabet, actrice au théâtre connue qui, au milieu d'une scène, s'est arrêtée de parler. Personne ne comprend ce qui se passe avec elle. Elle a l'air d'être en parfaite santé mentale et physique. Alma, l'infirmière, est chargée de s'occuper d'elle, mais elle n'est pas vraiment motivée pour le faire. Etant encore jeune et inexpérimentée, elle ne se voit pas être à la hauteur d'une tâche pareille.

Elle finit par accepter. Le traitement commence dans l'hôpital et continue chez la directrice dans une maison isolée au bord de la mer. Elisabet et Alma sont désormais seules, ce qui les rapproche un peu plus l'une de l'autre. Elisabet reste silencieuse mais commence par réagir par le biais de son corps. Alma parle de plus en plus de sa vie. Elle va même jusqu'à parler en détail d'une aventure sexuelle avec trois autres personnes qui lui a fait vivre un moment d'une intensité extrême. Un bonheur qu'elle n'a jamais vécu auparavant.

Tout va bien jusqu'au moment où Alma découvre qu'Elisabet est en train de l'observer dans son comportement. C'est là que la jeune infirmière se rend compte de son état déplorable, ce qui la met en rage face à cette personne qu'elle commençait à adorer. C'est comme si, depuis le début, les rôles étaient inversés. Ce n'est pas Elisabet qui a besoin d'aide. D'ailleurs elle est suffisamment forte, et Alma l'admet, pour s'en sortir toute seule. Elle est suffisamment forte pour choisir le silence comme moyen de réclusion face au monde et à toutes les horreurs qui existent tout autour.

Le choix du personnage d'Elisabet en tant qu'actrice de théâtre n'est certainement pas un hasard. Ca m'a fait penser à la fameuse réplique de William Shakespeare : "All the world's a stage, and all the men and women merely players". Un peu plus tard dans le film, Alma fait allusion à quelque chose dans ce même sens. Elisabet est une actrice, pas seulement au théâtre, mais dans la vie aussi ; comme tout le monde d'ailleurs. Chacun de nous joue un rôle principal dans sa vie, avec des petits rôles secondaires tout au long de notre existence pour faire face à telle ou telle situation.

Les interprétations du film sont tellement nombreuses que je préfère ne plus trop m'étaler dessus. Chacun pourrait comprendre différemment chaque élément et il n'y a pas de réponse définitive à ce que tout ceci veut dire. Mais une chose est certaine, c'est un film à voir ne serait-ce que pour la scène du monologue où Alma parle de l'enfant d'Elisabet. Les paroles à elles seules sont percutantes, que dire alors de la façon particulière de le faire !

9.5/10

Tuesday, April 12, 2011

The Invention of Lying

The Invention of Lying (Ricky Gervais & Matthew Robinson, 2009, USA)



Dans un monde où les gens ne conçoivent pas ce que veut dire "mentir" et où toute personne exprime ses vrais sentiments sans contrainte, Mark Bellison ne se sent pas à l'aise. En venant de perdre son travail et ne possédant pas d'argent, il est obligé de mentir, pour la première fois de l'histoire...

Que serait le monde si personne ne disait rien d'autre que la vérité ? Mark Bellison va chez une fille pour l'inviter à sortir avec lui. En ouvrant la porte elle lui annonce "I was just masturbating", pour avoir comme réponse "That makes me think of your vagina".
C'est en quelque sorte à ça que ça ressemble. Personne ne cache rien à personne. Les problèmes les plus profonds de chacun sont facilement exposés à n'importe quel iconnu sans que ça ne soit mal vu. L'impolitesse n'existe pas. Les serveurs dans les restaurants n'hésitent pas à draguer les filles et à insulter leurs compagnons.
Tout ceci nous conduit, naturellement, vers plein de situations marrantes.

À partir du moment où Mark "invente" le mensonge, la vie devient très facile pour lui. Les gens lui semblent désormais extrêmement stupides. Il peut les manipuler à souhait très facilement, un peu comme ce qu'on voit dans Idiocracy, et en profite pour mieux se rapprocher de sa bien aimée. Peut-il gagner son coeur de cette façon ? Ou préfère-t-il rester fidèle aux traditions du monde dans lequel il vit ? C'est en quelque sorte à ce dilemme qu'il est confronté.

À vrai dire c'est ce côté-là du film qui l'a rendu assez lassant. Mais le véritable intérêt réside dans le fait de "inventer la religion". En voulant voir sa mère partir heureuse dans l'au-delà, il lui raconte des choses sur ce qui se passe après la vie. Tout le monde le croit et demande encore plus d'informations, ce qui le pousse à parler du "Man in the sky who controls everything". Il continue d'inventer des choses sur ce qui se passe après la mort et personne ne doute de ce qu'il dit. Il leur dit qu'il y a un endroit merveilleux réservé à ceux qui ont mené une vie saine sans causer de mal aux autres, et un autre horrible qu'on pourrait éviter si on ne fait pas "trois mauvaises choses dans la vie".
Toute la planète le croit sans réfléchir un seul instant sur la possibilité de l'existence d'un monde pareil. Les seules questions qu'ils se posent concernent certains détails de la vie courante.

Puis retour aux maux que vit Mark en étant séparé de la fille qu'il aime, et donc retour à une histoire romantique à dormir debout. Heureusement que ça ne dure pas pendant toute la durée du film.

6/10

Monday, April 11, 2011

71 Fragments of a Chronology of Chance

71 Fragments of a Chronology of Chance (Michael Haneke, 1994, Autriche/Allemagne)



Plusieurs personnages mènent leurs vies tranquillement à Vienne. Un garçon roumain en situation illégale, un vieil homme qui passe son temps à regarder la télé, un agent de sécurité dans une banque, un étudiant, un couple qui veut adopter une fille...

Les gens mènent leurs vies tranquillement. Ils se disputent, il vont au travail, il s'amusent, ils se font gronder... mais finalement tout ça ne sert à rien...

Encore une fois avec Haneke, il vaut mieux ne pas trop parler du film et tout découvrir par soi-même. Un peu comme dans The Seventh Continent, tout ce qui se passe n'est qu'une sorte de longue introduction à ce qui va avoir lieu pendant les dernières minutes. Le seul problème c'est que c'est un peu moins efficace ici, mais le résultat est tout aussi percutant.

8/10

Saturday, April 9, 2011

The War Zone

The War Zone (Tim Roth, 1999, UK/Italie)



Après avoir déménagé de Londres, un jeune garçon découvre un horrible secret sur sa famille. La solitude, l'absence d'amis et de vie même ne l'aident pas à supporter ce secret...

C'est grâce à Reservoir Dogs que Tim Roth s'est forgé la notoriété que nous lui connaissons. Cependant, loin de l'univers du crime et des gangsters, il se place cette fois-ci derrière la caméra pour nous délivrer une oeuvre assez perturbante. Avec un réalisme poignant et des acteurs prodigieux, l'histoire coule avec une fluidité étonnante pour jeter l'ancre au plus profond de l'âme du spectateur.

Quelques notes de piano çà et là, du silence, des dialogues plus ou moins rares mais expressifs ; la solitude que vit Tom se ressent d'un manière forte. Changer de lieu de vie n'est pas un événement réjouissant. Il s'isole du monde extérieur et se replie sur lui-même. Sa soeur est souvent là pour l'aider, mais le secret qu'il ne va pas tarder à dénoncer va compliquer leur relation.

Un mélange de frustration, de jalousie et de dégoût s'installe. Tom essaie de lutter contre toutes ces pensées, mais une haine profonde ne cesse de se développer chez lui. Pourtant sa famille n'a pas l'air d'être malheureuse. Certes, leur vie ne déborde pas de bonheur mais on sent bien qu'il y a beaucoup d'affection. Du moins c'est ce qui se passe à la surface, car en creusant un peu plus, il comprend que sa perception de la vie est fausse. Sa soeur le lui dit à un moment : "You just want everything to be nice and sweet, but it isn't". À partir de là, tout commence à s'effondrer petit à petit...

Avec cette unique réalisation dans sa filmographie, on se dit dommage que Tim Roth n'ait pas continué à nous en fournir d'autres. C'est un film dérangeant qui m'a beaucoup troublé...

9.5/10

Three... Extremes

Three... Extremes (Fruit Chan/Park Chan-Wook/Takashi Miike, 2004, Hong Kong/Corée du Sud/Japon)



Trois films d'horreur asiatiques. Chacun vient d'un pays. Chaque segment est d'un style et d'une culture différents. Mais cette fois c'est encore plus extrême que la première.

Dumplings (Fruit Chan) :

Aunt Mei est réputée pour sa recette culinaire presque magique qui a pour effet de rajeunir celui qui en mange. Une actrice vient la voir pour en profiter et ainsi regagner son mari infidèle.

Cette version a plus tard été reprise en un long métrage du même nom. L'histoire est exactement la même. Les scènes sont les mêmes... bref, tout est pareil sauf que, durée oblige, cette version courte va directement droit au but. Il n'y a pas d'allusions ou de caricatures sur l'aspect social des Hommes.

La seule vraie différence concerne la fin, que je trouve personnellement mieux dans la version longue, mais plus... proche de la réalité dans cette version-là.

Cut (Park Chan-Wook) :
Un réalisateur réputé est enlevé avec sa femme par un inconnu. Les raisons de ce kidnapping, pas du tout claires au début, paraissent de plus en plus absurdes.

Du point de vue violence visuelle, ceci est le plus "extreme". Il y a du sang, des doigts coupés, des morsures... et avec tout ça une bonne dose d'humour noir. Les motivations qui ont poussé le kidnappeur à faire ce qu'il a fait sont inconcevables.

Généralement ce sont les "mauvaises personnes" qui sont plus exposées à subir ces choses, pour des raisons évidentes. Mais là le kidnappeur pense autrement. En gros, il pose la question au réalisateur : "Pourquoi es-tu aussi bon ?". Ayant un passé misérable, c'est comme si cet homme à succès en était le cause. Il lui en veut d'avoir été "bon" envers lui.

Mon préféré des trois, pas seulement à cause de la violence mais également de l'absurdité de la situation, des dialogues et des actions du kidnappeur.

Box (Takashi Miike) :
Une fille qui ne parle pas trop a souvent un rêve étrange qui s'arrête toujours au même moment. Ce rêve semble être assez proche de la réalité.

L'histoire n'est pas solide et sa représentation n'est pas vraiment efficace. La fin est plutôt faible et n'a rien de satisfaisant.
Il y a toutefois quelques moments forts et une atmosphère sombre qui pèse bien lourd.

Je m'attendais à mieux de la part de Miike. L'explication de tous ces évènements est supposée nous choquer, quelque part, mais sans réellement réussir.

8/10

Thursday, April 7, 2011

The Social Network

The Social Network (David Fincher, 2010, USA)



Ce film retrace les débuts de la création du fameux réseau social facebook.

David Fincher qui réalise un film basé sur facebook, est-ce vraiment une bonne idée ? Certes, ce site fait désormais partie intégrante de la vie de plusieurs millions de personnes à travers le monde. Mais de là à en faire une expérience audio-visuelle, ça pourrait être terriblement exagéré.

C'est seulement à cause de David Fincher que je me suis décidé à voir ce que cela pourrait donner. L'homme derrière Se7en ne m'a jusque là jamais déçu. Sa filmographie est certainement inconsistante, mais pas mauvaise. Donc pourquoi pas voir de quoi est-ce qu'il s'agit.

Mark Zuckerberg est présenté comme on se doit de représenter un nerd : intelligent, bizarre, très peu ou pas d'amis, pas de succès avec les filles... Il manque juste les lunettes et les boutons pour avoir le portrait parfait, mais heureusement qu'on n'a pas droit à ces clichés. L'humour est toutefois présent grâce à l'attitude très "nerdique" qu'il entretient tout au long du film. Une bonne chose qui nous permet de ne pas nous ennuyer en assistant à la naissance du "next big thing" comme le dirait Sean Parker, fondateur de Napster, interprété par... Justin Timberlake.

La première partie est captivante. À la fois marrante et attachante, on s'intéresse vraiment à voir comment ce phénomène mondial a pu voir le jour. Mais petit à petit cet attachement va s'éparpiller avec les attaques en justice auxquelles on assiste. Personnellement ça ne m'intéresse pas de connaître le degré d'amitié qui existait entre Mark Zuckerberg et Eduardo Saverin, le co-fondateur du site. Ca ne m'intéresse pas vraiment non plus de savoir qui a trahit qui et dans quel but.
De plus, à la fin on sort avec l'impression que le fondateur de facebook est quelqu'un de gentil, d'innocent, qui ne mérite pas tout ce qu'on lui reproche... C'est peut-être le cas. Après tout je ne le connais pas pour affirmer le contraire, mais c'est tout de même irritant d'y assister.

Finalement pour un film basé sur une telle idée ça dépasse mes attentes. Rien de spectaculaire mais ça fait plaisir quelque part d'avoir une idée sur comment tout ceci a commencé.

7/10

Monday, April 4, 2011

I Saw the Devil

I Saw the Devil (Kim Ji-Woon, 2010, Corée du Sud)



La fiancée d'un agent secret est kidnappée par un tueur en série qui n'éprouve aucun respect pour la vie humaine. Dans le but de se venger, l'agent en question se transforme en un monstre à son tour...

Les histoires de vengeance sont devenues tellement banales que ça devient difficile de tomber sur quelque chose d'original. Reste alors l'exécution et essayer de faire en sorte que ça soit captivant. Ce qui est exactement le cas ici.

L'agent, Kim, est éffondré par la perte de sa fiancée. Il promet de se venger en punissant le tueur de la pire façon qui soit. Il commence aussitôt sa mission et ne tarde pas à le trouver, et c'est un véritable jeu qui commence. On se demanderait, vu la durée du film qui dépasse les deux heures, comment tout ça va se dérouler. On comprend très vite qu'il ne s'agit pas d'un film de détective qui cherche un criminel, ni d'une vengeance du genre "Je t'attrape, je te fais passer un sale quart d'heure, puis je te tue".

Kim a d'autres idées en tête, et le tueur, intérprêté de façon brillante par Choi Min-Sik qu'on reconnait surtout dans Oldboy, comprend le message d'une autre manière. Confus au début, il commence à prendre plaisir à ce qu'il perçoit comme étant un jeu. Vu que ce genre de jeux morbides constitue son mode de vie, en quelque sorte, il se trouve totalement à l'aise ; contrairement à Kim qui est encore en phase de transformation.

Les limites entre le bien et le mal se brisent petit à petit. Aveuglé par sa vengeance, Kim est inconscient de la destruction que sa quête sème derrière lui. Les appels à la raison ne sont pas suffisants pour le persuader de tout laisser tomber. Ou peut-être qu'il décide de ne plus donner d'importance à tout ça. L'important c'est de se venger, peu importe le coût...

La violence présente tout au long du film est extrême. Certains diront qu'elle n'est pas nécessaire mais non, il ne faut pas s'attendre à voir des papillons et des fleurs dans un clash entre deux monstres. La violence poussée à l'extrême est l'un des éléments principaux. Même si ça choque par moments, même si on pourrait être obligé de détourner le regard de l'écran à cause des atrocités qui s'y passent, c'est en quelque sorte ça le but : mettre le spectateur mal à l'aise. Après tout, c'est en partie un film d'horreur qui n'est pas supposé transmettre des émotions positives à celui qui le regarde. Et il faut le dire, c'est totalement réussi !

9.5/10