Monday, April 30, 2012

Hors Satan

Hors Satan (Bruno Dumont, 2011, France)



Une fille s'attache à un étranger venu dans son petit village situé au nord de le France. Cet homme mystérieux semble posséder des dons surnaturels qui lui permettent de guérir, de tuer ou encore de ressusciter les morts...

Voilà enfin le dernier Bruno Dumont ! Ça ne va pas réjouir tout le monde, mais ce qui est sûr c'est qu'on en parlera beaucoup. Toujours dans le même style ultra-minimaliste et qui pose plus de questions qu'il ne donne de réponses, on peut dire que le côté expérimental est développé plus que d'habitude ici. Les longues scènes de marche silencieuse sont toujours là, à y ajouter le son des personnages qui respirent en temps réel. Absence de musique, de dialogues, d’évènements... on a droit à tout ça, mais en plus à un côté métaphysique qui ne facilite pas la compréhension de tout ce qu'on voit.

Il y a principalement deux personnages. La fille et l'étranger. Tous les deux n'ont pas de nom. On ne nous donne aucune information sur leur passé. On ne sait absolument rien sur eux. Et même si on commence à se faire une petite idée sur la fille en la voyant avec sa mère ou chez elle, l'étranger, lui, reste totalement impossible à cerner.

La relation entre les deux est bizarre. La fille semble très attachée à cet ermite, tandis que ce dernier n'a même pas envie d'elle sexuellement. Alors qu'il n'hésite pas à "baiser" (et c'est le terme utilisé) une autre fille qu'il a rencontré par hasard. Il est pourtant là pour aider la première : lorsque quelqu'un l'embête, il n'hésite pas à lui pulvériser la tête ou à le tuer de sang froid pour la débarrasser de ses soucis. Et là une question se pose : cet homme représente vraisemblablement le bien, mais dans ce cas, quelle sorte de "bien" nécessite-t-il de faire du "mal" pour qu'il soit accompli ? L'homme semble ne pas avoir de morale. Il ne semble avoir aucune sorte d'émotion d'ailleurs. C'est comme si tout ce qu'il faisait n'est que de la routine. Et pourtant les répercussions de ses actes sont énormes pour ceux qui l'entourent.

À première vue, le thème central traité dans Hors Satan est la relation entre le bien et le mal. Mais le problème c'est qu'il est difficile de les dissocier. Ce que fait l'homme a des fins qui sont "bonnes", mais ses méthodes ne semblent pas du tout l'être. Est-ce pour dire que c'est le cas dans notre monde actuel ? Est-ce pour dire que c'est ce que nous faisons tous les jours ? Faire le "bien" à travers le "mal", la fin qui justifie les moyens. Faire la guerre pour établir la paix... pas très facile à affirmer, mais ça semble aller dans cette idée.

On nous montre à plusieurs reprises les personnages, et l'homme en particulier, en train de fixer quelque chose, au loin, mais sans toujours nous la montrer. L'accent est plutôt mis sur son regard. Généralement c'est face à la nature qu'ils s’assoient tous les deux, parfois pour faire des prières dont on ignore la destination, parfois juste pour la contempler en silence. Et là d'autres questions se posent : malgré les nombreuses références au christianisme (résurrection, marcher sur l'eau), l'homme est loin de représenter le Christ... ou du moins pas tel qu'on le connait. On dirait plutôt que cet homme est un prophète de la nature. Il ne se soucie pas trop des humains et semble être profondément attaché à la nature. C'est là qu'il passe tout son temps. C'est là qu'il mène ses prières, c'est là qu'il dort et mange, et c'est aussi là qu'il réalise la plupart de ses miracles.

La fille, toujours vêtue de noir, lui apporte de la nourriture, alors qu'elle demande tout le temps des cigarettes de sa part. Elle lui donne du "bien" et lui demande du "mal". Comme quelqu'un qui prierait un dieu quelconque, lui offrant des choses pour gagner sa sympathie, mais n'ayant que des ennuis, sur le long terme, en retour.

Il n'y a pas de poésie ici. Il n'y a pas de beauté, hormis celle des paysages pas encore souillés par la civilisation. C'est un film moche, d'un certain point de vue, comme les autres films du réalisateur. Même en montrant le "bien", il le fait d'une façon un peu horrible. Une bonne partie des dialogues se compose de termes négatifs. Le sexe "mécanique", laid et répugnant, est toujours là. Le village est quasiment désert, presque mort. Le peu de villageois qu'on voit ont l'air d'être tout le temps exténués, et j'en passe...

J'aurais tout de même aimé voir un peu plus d'éléments qui permettraient de nous donner une meilleure idée sur ce qui se passe vraiment. En s'aventurant plus que d'habitude dans l'avant-gardisme, on se trouve totalement perdus. Même si je considère Hors Satan une belle réussite, je préfère quand même voir Bruno Dumont revenir un peu plus... sur terre.

8/10

Friday, April 27, 2012

Drive

Drive (Nicolas Winding Refn, 2011, USA)




Un cascadeur, qui travaille dans un garage et qui est doué dans la conduite de voitures, est impliqué dans une affaire dangereuse lorsque le mari de sa voisine qu'il apprécie sort de prison.

Je n'aurais pas vu ce film s'il nétait pas réalisé par Nicolas Winding Refn. L'intrigue me semblait assez usuelle des films d'action hollywoodiens et j'étais quasiment sûr de ne rien trouver d'extraordinaire dans Drive. Et c'était plus ou moins le cas.

D'un autre côté, j'avais peur, quelque part, de voir Refn "s'américaniser" un peu trop avec Drive. Certes son style a énormément changé depuis le premier Pusher, connaissant des hauts (Valhalla Rising) et des bas (Fear X), mais pourquoi aller vers un chemin plus conventionnel qui a déjà été exploité à plusieurs reprises par le passé ? Il semble que la réponse soit l'argent. Il a toujours eu des difficultés à financer ses films, et ça serait donc logique de le voir tourner des films qui touchent plus de monde. La bonne nouvelle c'est que Drive poussera peut-être pas mal de spectateurs à découvrir ses vieux joyaux.

Maintenant, pourquoi je n'ai pas vraiment aimé ce film ? Il y a une cause en particulier : Ryan Gosling. Je ne prétends pas connaître l'acteur, mais je trouve qu'il n'est pas du tout en harmonie avec le rôle qu'il joue. C'est surtout du à son apparence de jeune homme un peu trop... "beau", d'autant que, de temps en temps, il a un certain regard assez na£if, voire même stupide, qui ne colle pas du tout. De plus, le personnage qu'il joue semble tout droit tiré d'un manga, alors que le reste des personnages, et du film en tout, n'a rien à voir avec.

L'homme silencieux qui parle peu ou pas du tout, qui agit plus qu'il ne prononce de mots, qui s'en sort des problèmes les plus difficiles avec une certaine aisance, et qui n'a même pas peur d'affronter les plus dangereux des criminels de la ville... tout ceci est assez contradictoire avec le reste qui est plus terre à terre.
Le héro solitaire qui agit pour le bien malgré ses tendances criminelles, on en voit tout le temps chez les japonais, sauf que c'est plus efficace chez eux qu'ici. En essayant de faire du chauffeur quelqu'un de parfait, tout tombe à l'eau.

Je ne comprends pas les avis qualifiant le film de "meilleur film sorti en 2011". C'est, tout au plus, un film moyen qui aurait pu être tellement mieux avec un personnage principal différent (pas seulement au niveau de l'acteur). Les scènes d'action sont bien orchestrées, captivantes et pas trop exagérées ; tandis que les moments les plus calmes nous présentent très bien les personnages et les relations qui les lient les uns aux autres. On comprend qu'ils sont très "humains". Même le mari de la voisine m'a surpris. Je m'attendais à le voir agir autrement à sa sortie de prison.

Mais voilà, en mettant en premier plan un personnage raté, c'est le film en sa totalité qui est raté...


5/10